
plus, sur ses escarpemens, qui sont beaucoup plus considérables,
on trouve encore fixés au sol des madrépores proprement dits,
de 1 espèce nommée corne-de-cerf, et absolument semblables à ceux
qui abondent dans les eaux qui l’entourent. A in s i, autrefois, ils
ont multiplié sur le sol que Ja mer a depuis abandonné, comme
ils croissent tous les jours sur celui quelle recouvre encore.
D ’autres exemples de ces montagnes perpendiculaires sous-marines
se font remarquer par des latitudes diverses. On lit dans PaJlas
[Deuxième Voyage, tom. 3 , pag. 1 3 3 ; ibid. pag. 2 2 0 ) qu’il a vu en
Tauride des montagnes tellement escarpées, quelles s’élèvent à
plus de mille pieds au-dessus du niveau de la mer, et qu’on ne
peut trouver fond à toucher le rivage. Eh bien! nous le répétons,
ce sont Jes sommets de semblables montagnes sous-marines de la
zone torride, quelle que soit d’ailleurs leur nature, que les zoophytes
ont pris pour bases ; et tous ces récifs de T a ïti, de l’archipel Dangereux,
de celui des Navigateurs, des îles des Am is , &c. &c., ne
sont madréporiques qu’à la surface. Écoutons Forster, qui, un des
premiers, a accrédité l’opinion que nous combattons, et nous verrons
qu’il fournit des armes contre lui-méme. « Les îles basses, dit-il, à
» l’est de T a ïti, ainsi que Jes îles de la Société, les îles des Amis,
» les Nouvelles-Hébrides et la Nouvelle-Calédonie, avec les îles
« intermédiaires de Scylli, Howe, Palliser, Palmeston,Sauvage, de
>3 la Tortue et celles de l’Espérance et des Cocos, les îles de la
33 Reine-Charlotte, du Capitaine-Carteret, et plusieurs autres, ainsi
3) que la Nouvelle-Irlande, la NouveJJe-Bretagne et la NouveJle-
33 Guinée, forment aussi, par-dessous l’Océan, une grande chaîne
33 de montagnes: elles s’étendent dans un espace immense qui
33 comprend les trois quarts de toute la mer duSud. 33 (Forster père.
Observât, tom. 5 , pag 24. )
Paroissant ensuite oublier ce qu’il vient de dire, et accordant
trop aux madrépores, ii ajoute (pag. 1 36) : « L e récif, premier
33 fondement des îles, est formé par les animaux qui habitent les
33 lithophytes: ils construisent leurs habitations jusqu’à peu de dis-
33 tance de la surface de la mer, &c. 33
Nous dûmes peut-être une fois notre salut à cette disposition irrégulière
des terres situées sous Jes eaux, lorsque la corvette t’Uran 'ie,
entraînée de nuit par les courans, dans le passage qui porte son nom,
se trouva engagée parmi une multitude d’îles et de rochers. Dans
cette position difficile, n’ayant de fond nulle part, on ne savoit
quelle ouverture choisir pour sortir de cet archipel, quand au milieu
de ce cirque s’offrit un banc de madrépore sur lequel on
mouilla. D ’après ce que nous venons de dire, tout doit faire supposer
que ce massif s’étoit élevé sur une base de nature analogue aux
rochers qui nous entouroient.
Ainsi nous croyons avoir démontré que les travaux des zoophytes
solides ne sont point susceptibles d’avoir formé ies bases immenses
sur lesquelles reposent la plupart des îles du grand Océan. 11 nous
reste à dire comment, par leur réunion, ces animaux peuvent élever
de petits îlots. Forster a très-bien décrit la manière dont cela s’opère.
En effet, lorsqu’à l’abri des grandes terres, ces animalcules ont
amené leurs demeures jusqu’à Ja superficie, et qu’elles restent à découvert
pendant le reflux, les ouragans qui surviennent quelquefois,
bouleversant le fond de ces eaux peu profondes, entraînent Jes
sables et la vase. Tout ce qui, de ces matières, s’engage dans les anfractuosités
des coraux, s’y fixe, s’y agglomère ; et dès que Je sommet
de cette île nouvelle peut rester constamment à découvert, que Jes
flots ne peuvent plus détruire ce qu’eux-mêmes ont contribué à former
, alors son contour s’agrandit, ses bords s’élèvent insensiblement
par l’addition successive des sables. Suivant la direction des vents
et des courans, elle peut demeurer long-temps stérile; mais si,
par 1 action de ces deux causes, ies germes des végétaux lui sont
apportés des côtes voisines, alors, sous des latitudes qui sont si
favorables à leur développement, on Ja voit bientôt se couvrir de
verdure, dont les débris successivement amoncelés forment des