
pétrels entourer le cadavre dune baleine, voler contre le vent, et
se jouer entre les montagnes mobiles d’une mer en fureur.
L e calme, au contraire, aplanit-il la surface de l’Océan, ils fuient
vers d’autres régions, pour reparoître avec les vents. Cec i tient,
on ne peut en douter, à ce que l’agitation des flots ramène à leur
surface une plus grande quantité des animaux marins qui servent
de pâture à ces oiseaux. C ’est par la même raison qu’ils se tiennent
dans le tourbillon que forme le sillage du vaisseau, que la mer
soit grosse ou belle. Cette cause nous fut démontrée de Ja manière
la plus évidente, en abordant au Cap de Bonne-Espérance. Nous
étions accompagnés par une grande quantité de petits pétrels de
la grandeur de ceux qu’on nomme ordinairement alcyons, qui
n’occupoient en volant à fleur d’eau qu’une ligne exactement de
la largeur de notre sillage. Par-tout ailleurs on n’en voyoit point.
Nous fîmes bien attention qu’on ne jetoit rien de la corvette; et
cependant nous les voyions à chaque instant lancer des coups de
bec comme pour attraper quelque chose que nous ne pouvions
distinguer.
L a durée, la rapidité, la force et le mode même du vol de ces
oiseaux, en générai, ont toujours été pour nous un sujet d’étonne-
ment et d’étude. Leur agilité à s’abattre sur leur proie, comme
un harpon qu’on lance, à l’enlever avec le bec, leur prestesse à
frapper du pied le dos des vagues écumantes, ou bien à parcourir
leurs longs sillons mobiles, étoient quelquefois le seul spectacle
que, pendant des mois entiers, pouvoient nous offrir les solitudes
de l’Océan.
Encore un des caractères propres à ces palmipèdes, c’est que
leur vol s’effectue presque toujours en planant. S’ils battent quelquefois
des ailes, c’est pour s’élever avec plus de rapidité; mais ces
cas sont rares. Ce mécanisme peut s’étudier principalement sur les
albatros, comme étant plus gros et approchant davantage les navires.
Nous nous sommes assurés, et nous avons fait observer à diverses
personnes de l’état-major de l ’Uranie, que leurs ailes étendues et
formant en-dessous une concavité, n’offroient point de vibrations
apparentes, quelles que fussent les positions que prissent ces oiseaux,
soit qu’effleurant la surface de fonde, iis soumissent leur vol à ses
ondulations, soit que s’élevant ils décrivissent de grandes courbes
autour du vaisseau. Les oiseaux de proie terrestres, qui planent
beaucoup, ont coutume de s’abaisser quand ils tiennent cette allure.
Les albatros et ies pétrels au contraire s’élèvent avec facilité,
tournent brusquement sur eux-mêmes à l’aide de leur queue, et
vont contre Je vent le plus fort, sans que leur marche en paroisse
ralentie et sans imprimer à leurs ailes le moindre battement sensible.
Cependant, il faut bien admettre une action, une impulsion
quelconque sur le fluide qui les soutient, qu’on ne peut apercevoir,
il est vrai, parce qu’elle ne s’opère probablement qu’à l’extrémité de
très-longs leviers, mais qui n’en existe pas moins; car autrement on
ne pourroit pas concevoir comment la progression de l’animal
pourroit avoir lieu.
Quelques-uns de ces oiseaux grands voiliers ont des ailes si
démesurément longues, qu’après s’être abattus sur les eaux, ils les
tiennent étendues un instant. Lorsqu’elles sont serrées, elles nuisent
à l’élégance des formes par le renflement qu’elles produisent vers
la partie postérieure du corps. Mais c’est dans Je vol que ces oiseaux
déploient avec avantage leurs agrémens naturels : ils sont doués,
pour l’exécuter, d’une force prodigieuse; par 59° de latitude sud,
où il n’y a presque pas de nuit quand le soleil est sous le tropique
du capricorne , nous avons vu les mêmes pétrels voler sans interruption
plusieurs jours de suite.
Les pétrels n’ont pas l’habitude de plonger pour atteindre leur
proie; ils se reposent d’abord à ia surface de la mer; et si l’animal
fluils guettent se tient à une certaine profondeur, ils s’efforcent de
le saisir en enfonçant sous l’eau une partie’ de leur corps.
11 doit résulter de tout ce que nous venons de dire, que Ja pré-
Voyage de l'Uranie. — Zoologie. 2O
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