
sence seule de ces oiseaux n’est point un signe assuré de l’approche
des terres.
Après cette nombreuse famille, viennent les frégates, oiseaux
bons voiliers , mais qui ne méritent pas le nom de pélagiens ,
d’après le sens que nous avons attaché à cette dénomination, fondée
sur des habitudes particulières. En effet, les frégates s’éloignent peu
des côtes ; deux fois seulement nous en avons vu quatre très au
large; et comme c’étoit dans des parages peu connus, nous soupçonnâmes
qu’il existoit quelques rochers aux environs. C e genre
est très-circonscrit; les espèces que nous avons vues nous ont toutes
paru se rapprocher infiniment de Ja plus ordinaire, lepelccanus aquila,
même celles que les habitans des Carolines apportent en cadeau
au gouverneur des Mariannes h Par-tout les frégates font une grande
consommation de nourriture ; à Rio de Janeiro, où elles viennent
jusque devant le palais du roi chercher leur pâture parmi les immondices
de la rade, nous avons vu un de ces oiseaux qu’on avoit tué,
rejeter de son estomac, en expirant, plus de deux livres de poisson.
Elles se tiennent le plus souvent dans les régions élevées, planent,
ou battent des ailes d’une manière qui leur donne un air disloqué.
Lorsqu’une proie se laisse apercevoir, elles descendent en tournoyant,
fondent dessus, et, sans toucher à l’eau, l’enlèvent avec
leur long bec.
Nous avons lu dans des relations de voyageurs, et souvent entendu
dire à des marins, que plusieurs fois ils avofent vu très au
large des frégates en grand nombre. Lachóse est possible : cependant
il seroit convenable de s’assurer si c’étoit bien réellement cet oiseau
tout noir, ou noir avec le ventre blanc, à longue queue fourchue, au
cou alongé, avec ou sans le jabot rouge, volant fort haut et n’approchant
presque jamais des vaisseaux. Pour nous, nous ne l’avons vu
* Ces oise aux, donnés par un peuple doux et simple, étoient apprivoisés et nourris avec du
poisson. Il y en a des individus au Muséum. L a couleur fauve qui recouvre leurs ailes tient à
leur jeune âge, ce qu’ indiquent encore mieux des traces de duvet.
qu’aux approches de l’île de l’Ascension dans la Mer atlantique; à
Rio de Janeiro; près de l’île Rose, que nous avons découverte dans
le grand Océan; à Timor et dans quelques autres lieux, toujours près
des terres.
Les autres oiseaux de mer dont nous avons à parler, non-seulement
s’éloignent et diffèrent des espèces précédentes par les formes,
mais encore par les moeurs. Leur énergie dans le vol est moins
puissante; ils sont dans Ja nécessité de se reposer souvent, soit sur
les eaux, soit à terre. En général, ils s’éloignent peu et en grandes
troupes des lieux qu’ils ont choisis pour demeure ; ils plongènt ou
s’abattent brusquement sur leur proie.
Nous mettrons les fous au premier rang. Quoiqu’on en trouve
rarement au milieu de fO c é an , ils sont au moins aussi répandus à
la surface du globe que les pétrels; avec cette différence que leurs
espèces ne paroissent pas si régulièrement limitées à certains
parallèles. La plus commune, celle qui est toute blanche avec le
dessus des ailes noir pelecanus bassanus ], habite les côtes de France
et d’Angleterre ; on la retrouve au Cap de Bonne-Espérance , où
nos navigateurs lui donnent le nom de manche de velours, comme
les Portugais celui de manga de veludo. L e célèbre marin et hydrographe
d’Après indique même la présence de ces oiseaux comme
un des signes certains de J’approche de cette partie de l’Afiique.
Nous en vîmes de semblables à l’île de France; non loin des
côtes de la Nouvelle-Hollande, en allant à la baie des Chiens-
Marins ; ils nous annoncèrent Tim o r, placé sous une latitude
brûlante, et les îles Howe, qui précèdent le Port-Jackson ; ils étoient
en grand nombre devant Amboine, aux Mariannes, autour de l’île
Rose; enfin, si nous voulions citer les lieux qu’ils fréquentent,
il faudrait presque énumérer toutes les terres que nous avons
visitées ou seulement aperçues.
Cette espèce, par le noir qui couvre ses ailes en tout ou en partie,
est très-facile à distinguer, même de loin.