
CHAPITRE X.
Observations sur quelques Mollusques et Zoophytes,
envisagés comme causes de la phosphorescence de
la mer.
S i la vie, considérée au sommet de la chaîne des êtres, est un
spectacle merveilleux par sa complication , on n’est pas moins
étonné de la simplicité qu’elle affecte dans les derniers anneaux de
cette même chaîne. A ce terme, on croit saisir ses phénomènes;
on étudie, on s’empresse ; et les derniers résultats sont q u e , là
comme ailleurs, elle est impénétrable à nos sens et se dérobe à nos
moyens d’investigation.
C ’est dans les lieux où les phénomènes qui en facilitent la propagation
sont sans cesse renaissans, où des torrens de lumière et
de chaleur pénètrent et échauffent les eaux, où l’électricité semble
répandue avec profusion dans tous les corps, qu’on voit se développer,
pour ainsi dire spontanément, des myriades d’animalcules.
Lorsque aux brises légères qui agitent la surface de la mer succède
un calme parfait, il semble qu’une baguette magique anime le sein
des eaux, et que leurs principes constituans se réunissent, se con-
crètent pour produire la vie.
Nous avons souvent contemplé ce spectacle ; il rompoit pour
nous la monotonie des calmes et diminuoit l’ennui des longues
navigations. Mais personne n’ignore qu’il faut être initié à l’étude des
secrets de la nature, pour apprécier ses merveilles ; car ces mers
animées pour l’observateur, sont mortes et dépourvues d’intérêt pour
le vulgaire, qui n’y remarque que les objets les plus sailians.
C ’est principalement dans les détroits, à l’approche des terres et
dans les lieux peu profonds, que les animalcules se reproduisent
en plus grand nombre. Dans les Moluques, par exemple, il suffisoit
de puiser de l’eau dans un vase pour s’en procurer un grand nombre
d’espèces. Les uns étoient alongés, cylindriques; d’autres orbiculaires,
aplatis; le plus grand nombre, de forme ronde; ceux-ci nageoient,
tourbillonnoient avec vitesse ; ceux-là paroissoient simplement
formés d’une masse gélatineuse immobile. Quelquefois la mer
étoit couverte de fibrilles, de filamens déliés, ou bien d’une sorte de
poussière inerte en apparence, quoiqu’elle fût probablement organisée.
Il est difficile de se faire une idée de cette fécondité ; elle
égale, si elle ne surpasse pas celle qui s’opère sur la terre. Quels
en sont les moyens l Ces animalcules dépourvus d’organes
perceptibles procréent-ils! transmettent-ils l’existence à d’autres
individus! ou bien, à ce dernier terme de l’animalité, suffiroit-il,
comme l’ont pensé quelques philosophes, de la combinaison de
certains principes simples pour, produire des êtres organisés ! Cette
opinion est aussi celle d’un célèbre naturaliste de nos jours ; nous
ne faisons que l’indiquer sans nous y arrêter davantage , parce
qu’aucune observation précise ne l’a encore fait sortir du rang des
hypothèses.
Dans les espèces les plus simples qui affectoient une forme
ronde , on ne pouvoit distinguer aucun organe propre à une
fonction quelconque. Ici l’irritabilité est tout; elle constitue à elle
seule la vie, comme le dit Bonnet; et l’on est parfaitement disposé
a croire, avec cet illustre penseur, que la première des fonctions,
la nutrition, s’opère par toute la surface du corps.
Un phénomène propre à plusieurs espèces différentes d’animaux,
mais qui appartient plus spécialement aux mollusques pélagiens,
cest la phosphorescence, sur laquelle on a heaucoup écrit, et qui