
.88 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
même quelquefois des bonds en l’air. Dans ces diverses évolutions,
M. Gaudichaud a remarqué que deux dauphins, se tournant de
côté, s’accoloient par le ventre et nageoient ainsi un court instant.
S’accouplent-ilsî ou bien, ce qui seroit plus probable, sont-ce de
simples préludes d’accouplement c’est ce qu’on ne peut pas déterminer.
Comme, dans ces violens exercices, ils sont obligés de
faire une grande dépense de forces et que leur sang circule avec beaucoup
plus de vîtesse, ils viennent fréquemment respirer à la surface.
Lorsque, parcourant fO c é an , les dauphins aperçoivent un navire,
ii est presque certain qu’ils viendront roder autour un instant, et
continueront ensuite leur route. Ils disparoîtront très-vîte, si un
de leurs compagnons blessé teint la mer de son sang. Mais il n’est
pas vrai, comme on l’a avancé, qu’ils recherchent f ombre des vaisseaux
pour se soustraire à faction des rayons du soleil, et que dans
ce but ils accompagnent les flottes qui font alors pour eux l’effet
d’une forêt. Ce sont des histoires faites à plaisir, et que maintenant
de sévères observations ne permettent plus d’admettre. Huit fois
au moins sur dix qu’on rencontrera de ces animaux, ie vent sera
fort, le ciel couvert de nuages, et fon remarquera que c’est presque
toujours le matin et 1e soir, souvent même la nuit, qu’ils se plaisent
autour des navires.
Soit qu’on ait réellement reconnu qu’ils aiment ia musique, soit
que les agréables fictions de la Grèce exercent sur l’imagination
des navigateurs la même influence dans fOcéan que jadis dans la
Méditerranée ; toujours est-il vrai que, dès que les matelots aperçoivent
des dauphins, ils sifflent pour les attirer. Très-souvent nous
les avons vus employer ce moyen, sans avoir remarqué qu’il produisît
quelque effet sur ces animaux.
Ils disent encore que, lorsqu’on les voit en troupes suivre une
ligne constante, le vent ne tardera pas à souffler de la direction
qu’ils prennent, &c. &c.
Les dauphins vivent de poissons. Nous avons péché des muges
qui, ayant échappé à leurs dents aiguës, survivoient à de larges
blessures avec perte de substance. Ils paroissent très-friands de
sèches ; mais ils n’en mangent que les tentacules et la tête ; c’est
du moins ce que nous ont assuré des marins et des pêcheurs de la
Gironde. L ’un de nous, ayant séjourné assez long-temps à l’embouchure
de ce fleuve, eut souvent occasion de voir que, dans ie
mois de mai, le flux apportoit une grande quantité de ces mollusques,
auxquels il manquoit ia tête, et qu’on envoyoit prendre sans la
moindre difficulté. Leur état de fraîcheur indiquoit que tous avoient
été mutilés à-peu-près à la même époque. Us fournissoient un mets
assez appétissant, quoiqu’un peu dur et indigeste. L ’effet des courans
réunissoit par bancs ces céphalopodes tronqués ; et assez souvent
des traces d’écume déceloient leur présence : quelques toises plus
loin, on n’en trouvoit plus. Ils paroissoient manifestement venir de
la mer. Ce fait semble prouver que les sèches sont susceptibles
d’aller en troupes,et qu’ainsi rassemblées, elles deviennent victimes
de la voracité des marsouins; car, quel poisson iroit ainsi leur enlever
la tête ! Il arrive même que, parmi les mortes, ii s’en trouve
de vivantes qu’il est rare de pouvoir prendre, parce qu’elles plongent
à l’approche du panier emmanché qui sert à amasser les premières.
Les seuls fragmens de cétacés herbivores que nous ayons apportés,
sont deux mâchoires de dugongs, trouvées dans l’île Dirck-Hatichs,
à la baie des Chiens-Marins, sur la Nouvelle-Hollande, et qui présentent
un trou mentonnier plus grand que dans l’espèce connue.
Nous n’avons pas pu nous procurer de ces animaux ; seulement
quelques-uns de nos Messieurs en ont vu qui paissoient l’herbe
à une très-petite profondeur.
Voyage de l'Uranie. — Zoologie. . 1 2