
Mais ce luxe de reproduction, si étonnant pour ceux qui
viennent des contrées où la nature a ses instans de repos, n’offre
presque plus maintenant, dans le règne animal, de nouveautés à
montrer à 1 Europe. Dès qu’on a commencé à s’occuper d’histoire
natuielle, tous les voyageurs ont dirigé leurs recherches vers des
lieux qui promettoient de si abondantes et de si faciles récoltes. Et
encoie, à I époque actuelle, une fouie de naturalistes de toutes
les parties de l’Europe, des souverains même, rivalisent de zèle
pour mieux faire connoître cette belle contrée du Nouveau-Monde.
On ne peut faire un pas dans le voisinage de l’immense baie de
Rio de Janeiro et sur les nombreuses îles quelle contient, sans
rencontrer de magnifiques oiseaux, l’ornement de nos collections.
Les insectes, plus nombreux encore, volent, sautent, bruïssent de
toutes parts. Les papillons sur-tout y sont d’une rare beauté, et
leur nombre surpasse tout ce qu’on peut dire. Mais le phénomène
des élaters et des lampyres phosphorescens, dont la lumière fugitive
brille et disparoît tour à tour, est ce qui frappe le plus l’étranger,
lorsque, dans une nuit obscure, au milieu des bois, il se trouvé
entouré par des milliers de ces insectes.
L e Brésil recèle beaucoup d’espèces de mammifères qui toutes
sont à-peu-près connues, de même que les moeurs de plusieurs
d’entre elles. Cependant deux individus que nous conservâmes
assez long-temps nous offrirent quelques particularités qui ajouteront
à leur histoire. L ’un est le laid coati, auquel de petits yeux
et un nez excessivement alongé donnent un aspect si singulier.
Cet animal nous fut donné très-jeune. D ’abord craintif et
offusqué par la lumière, il recherchoit toujours les lieux sombres
et s’y blottissoit : libre sur le pont, il devint peu-à-peu familier,
s accoutuma au grand bruit et parvint à supporter l’éclat du jour
11 s attacha tellement à i infirmier du bord qui le nourrissoit, qu’il le
suivoit par-tout, répondoit à sa voix par un petit cri, et accouroit
d’une extrémité du navire à l’autre pour lui grimper sur les épaules.
L e nom de César donné à ce coati étoit déjà connu de tout
l’équipage, et les matelots, qui s’attachent facilement aux animaux
paisibles, se plaisoient à lui donner des alimens. L ’habitude de ce
plantigrade étoit de se coucher à la tête du hamac, ou lit suspendu,
de l’un d’eux. Aussitôt que la nuit étoit venue, on le voyoit grimper
et parcourir la batterie jusqu’à ce qu’il fût arrivé à son gîte; et
lorsque le marin, après avoir passé son temps de service sur le pont,
descendoit pour se coucher, il réveilloit quelquefois le coati, qui,
par des cris perçans, manifestoit son mécontentement; quelques
coups s’ensuivoient, les cris redoubloient; mais le petit animal ne
se retiroit point, et le matelot ne cherchoit plus à le renvoyer.
Aux heures des repas, il n’étoit pas moins curieux de le voir
parcourir les gamelles en alongeant son museau mobile à travers
les jambes des convives. Cette bonté, nous dirons même cette
affection des matelots pour de foibles animaux, est vraiment singulière,
et nous a toujours surpris dans des hommes d’un caractère
grave et souvent peu endurant.
Nous avions un chien avec lequel il aimoit heaucoup à jouer,
malgré l’inégalité de ses forces. L e chien se prêtoit volontiers à
cet amusement, et l’on remarquoit qu’il n’en étoit pas toujours
de même du coati, qui souvent le faisoit crier en lui mordant les
oreilles. Il n’étoit pas difficile sur le choix de ses mets ; tout lui
paroissoit bon : il mangeoit indifféremment de la viande crue
ou cuite, du lard salé, du pain, du biscuit mâché, trempé dans
le vin ou l’eau-de-vie, des bananes, des crustacés, du m ie l, &c.
Il aimoit de préférence le sucre et les méduses ; dès qu’on lui en
montroit, on le voyoit se précipiter dessus avec une étonnante
avidité. Il ne faisoit aucune difficulté de boire du vin et de manger
les souris qu’il prenoit lestement. Dans la colère, son cri ressem-
bloit à celui de la musaraigne; il étoit seulement heaucoup plus
fort.
Pendant deux mois il fut notre compagnon de voyage. Les