
La baie des Cliiens- Marins a des cormorans tout noirs, et
d'autres qui ont le ventre blanc avec le tour des yeux jaune.
Ceux que nous avons vus, au cap Ho rn , tournoyer autour de
nous, avoient de même le ventre blanc.
Aux îles Malouines, où notre séjour, prolongé assez long-temps
après l'époque des couvées, nous permit de mieux observer ces
oiseaux, nous avons remarqué que les jeunes, moins gros, sont d’un
noir verdâtre. A mesure qu’ils grandissent, leur cou d’abord, puis
la poitrine,.deviennent d’un blanc soyeux. 11 paroît que lorsqu’ils ont
atteint tout leur développement, un des sexes conserve le jabot
blanc. Quelques-uns portent autour des yeux et à la racine du bec
des caroncules jaunâtres.
Des individus, beaucoup plus grands et plus gros, ont ces caroncules
plus développées, le cou et la poitrine blancs.
L ’incertitude qui existe sur la couleur la plus commune de ces
oiseaux nous a empêchés d’en faire figurer quelques-uns.
Ce sont eux qui le plus ordinairement blanchissent de leur
fiente les rochers qu’ils habitent, au point que dans l’éloignement
on pourroit les supposer couverts de neige, sur-tout quand Jes
localités peuvent favoriser cette illusion.
Les îles Malouines sont, sans aucun doute, l’endroit de l’hémisphère
austral, et par conséquent de toute la terre, où il y a ie
plus de manchots [ aptenodytes demersa ]. Pernetty a déjà parlé de
ces singuliers amphibies. Mais comme ils furent pour nous de la plus
haute importance, puisqu’ils contribuèrent à nous nourrir, et que
nous fûmes obligés de les chasser souvent et d’étudier leurs ruses
pour nous en emparer, ce que nous avons à en dire pourra ajouter
à ce qu’on sait déjà de leurs moeurs.
Les oiseaux nageurs ont ordinairement une portion du corps
hors de 1 eau ; il n’en est pas de même des manchots, qui ne laissent
paroître que la tête. Cette allure est analogue à leur conformation:
ne pouvant voler pour atteindre leur proie, et contraints de la
poursuivre à la nage, il falloir que la nature leur .donnât la faculté
de se maintenir sous l’eau par leur propre poids, afin qu’ils pussent,
dans l’occasion, consacrer toutes leurs forces à l’action de nager.
Aussi s’en acquittent-ils avec une rapidité qui égale et surpasse
même celle de certains poissons. Ils chassent encore en sautant à
la manière des bonites, et les imitent en cela au point qu’en-dehors
des Malouines, nous les prîmes d’abord pour une troupe de ces
scombres.
Cet oiseau-poisson, qu’on nous passe ce terme, habite exclusivement
les petites îles qui se trouvent enclavées dans les Malouines.
L ’instinct l’a déterminé à prendre cette précaution, afin
que lui et sa progéniture ne devinssent pas Ja proie des chiens
antarctiques qui se trouvent sur la grande terre.
Pour faire connoître la nature de ces petits îlots, nous choisirons
un de ceux qu’on voit dans la baie Française, et que fort à
tort on a nommé île aux Pingouins *.
Il peut avoir quatre milles de tour environ. Dans toute sa circonférence,
et sur le bord delà mer seulement, règne un cordon d’une
belle verdure sombre, que de loin on prendroit pour des arbres;
ce n’est qu’en arrivant dessus qu’on reconnoît qu’elle est produite
par de grands dactylis à larges feuilles. Ces plantes agglomérées en
faisceaux par le bas; s’élèvent sur des tertres et croissent jusque
sur le rivage de la mer. Chaque année leurs nombreuses feuilles se
pourrissent en tombant et forment de nouvelles couches de détritus
qui exhaussent le contour de l’île.
Les manchots ont pris ces touffes d’herbes pour demeure pendant
six mois de l’année, l’été et l’automne, c’est-à-dire, jusqu’à
ce que leurs petits soient en état d’aller à la mer. Ils s’y sont
tracé des sentiers en tous sens, dans lesquels les hommes mêmes
peuvent circuler librement, en écartant le haut des feuilles avec
* c est )le aux M an cho t s l’on devroit dire, les pingouins ne se trouvant pas dans l’héinisphére
Sud. 11 est vrai que le nom de pingouins fut don né d’abord aux nianchots parles Hollandais.