
» phoques et plus, ce qui donne de quatre-vingts à cent barils
n d’huile *, il revenoit à West-point. .La graisse, mise dans les
» yoles et transportée à la grève, étoit placée de suite dans des
« barriques installées sur un quai de p ierre, entre la mer et les
» fourneaux. Retirée des barriques, cette graisse étoit étendue sur
« une longue table. L à , après en avoir ôté toutes les parties char-
» nues, on ia divisoit en petits morceaux, qui étoient reçus dans
» un baquet placé sous la table, et d’où ils sortoient pour être jetés
« dans la chaudière. Une demi-heure suffit ordinairement pour en
» extraire l’huile. On enlève le tissu cellulaire, qui, desséché, vient
» flotter à la surface, et il sert à entretenir le feu ; car on n’emploie
» point d’autre combustible.
L e capitaine Orne avoit encore deux autres petits navires qui
faisoient le service alternativement.
L ’économie est tout dans ces sortes d’armemens, et les matelots
sont à la p a r t ; ce qui ne peut être autrement lorsqu’on veut assurer
le succès d’une entreprise fondée sur des travaux aussi pénibles.
Deux et quelquefois trois années suffisent à peine pour compléter
la cargaison, moitié en huile, le reste en fourrures.
Pendant les hivers, qui sont très-longs, Ja pèche est suspendue.
Ce n’est que lorsque les premiers rayons du soleil du printemps
viennent frapper les rochers et fondre les neiges, que les phoques
commencent à reparoître ; les pêcheurs, qui jusqu’alors ont consommé
leurs vivres dans l’inaction, reprennent leurs travaux accoutumés.
Mais à cette époque, ils sont dédommagés de l’espèce d’abstinence
qu’ils ont été obligés de faire, par ia quantité de gibier de
toute espèce qui revient sur ces îles. Des milliers d’oeufs d’albatros,
d’oies, de canes, &c. leur fournissent une nourriture aussi saine
qu’abondante. Le reste de l’année, le gibier est assez commun pour
qu’on ne touche presque pas aux vivres de campagne. Les provisions
* L e baril est composé de trente-un galons et demi [c en t d ix -n eu f litres en v iro n ], et le
galon d’huile vaut une demi-piastre.
d’hiver peuvent aussi être recueillies sur cette terre. Avec de gros
chiens dressés à la chasse des boeufs, on s’en procure facilement
pour faire des salaisons. Une petite île adjacente est tellement
remplie de cochons sauvages, qu’on nous dit qu’un navire américain
y étoit allé seulement pour faire une cargaison de trois mille
peaux de ces animaux. On ne sauroit trop sévèrement blâmer une
semblable destruction, qui, ne rapportant d’ailleurs que fort peu de
bénéfices, prive les navigateurs d’une ressource qu’ils s’attendent à
y rencontrer; ressource précieuse sur-tout pour les baleiniers, qui,
revenant du grand Océan austral par le cap Horn , séjournent
quelque temps sur ces îles pour s’y rafraîchir sans frais et faire
reposer leurs équipages.
L ’huile des phoques est consommée aux Etats-Unis. Les fourrures
s’exportent en Chine, où on les échange pour du thé, &c.
Ce que nous venons de dire prouve, ce nous semble, que ce
genre d’industrie ne peut être exercé, pour en retirer quelque profit,
que par des hommes sobres, laborieux et patiens. Les Américains
font ce que peu de marins sont habitués à faire ; car sans vouloir
atténuer le mérite des officiers de notre marine marchande, en
trouveroit-on beaucoup qui, possédant autant d’instruction que le
capitaine Orne, voulussent comme lui mener la vie la plus dure
et la plus pénible l II remplissoit tout-à-la-fois les fonctions de commandant
et de premier matelot.
L a chasse des phoques ne se fait plus qu’avec de très-grandes
difficultés, tant on a détruit de ces animaux, dont le reste épouvanté
a fui vers des terres inconnues, jusque sous les glaces polaires.
Les baleines deviennent rares et sauvages dans l’Océan
atlantique. Les Anglais, les Américains, exercés à ces pêches, ont
heaucoup de peine, dit-on, à compléter leurs chargemens : espérons
cependant que les Français, qui furent jadis les premiers à
tenter avec succès ces entreprises périlleuses, qui y instruisoient
les nations de l’Europe, reprendront bientôt cette supériorité ([ue
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