
Mais le caractère le plus marqué que présentent les Papous,
cest l’instinct carnassier, assez prononcé pour qu’il en résulte le
penchant au meurtre ; affreux penchant auquel ces insulaires
s’abandonnent avec fureur, et dont les ossemens qui nous occupent
sont probablement des témoignages. Le chef ou kimalaha de
Guébé nous a assuré qu’il existoit des tribus anthropophages dans
l’intérieur des îles des Papous. Cette assertion rappela à l’un de
nous qu’en abordant à l’île Ombai, il avoit vu suspendue, dans la
cabane d’un naturel, au village de Bitoka, une rangée d’os maxillaires.
Dans cette île, où, étant en très-petit nombre, nous courûmes
les plus grands dangers, quelques Anglais avaient été tués et dévorés
six mois auparavant par les féroces Ombaïens.
L a tendance à la superstition, comme chez d’autres peuples
plus civilisés, n’est réellement qu’une exaltation des idées religieuses,
et, à ce sujet, nous devons ici dire un mot du soin que ces
peuples apportent a la construction de leurs tombeaux. Ce sont de
petites cabanes où plusieurs personnes pourroient tenir dans une
attitude inclinée. L e corps y repose dans une caisse qui, le plus
souvent, renferme de petites idoles grossièrement sculptées, des
bracelets, un peigne et des cheveux; quelquefois on n’y trouve
lien ; et peut-être alors ce sont de simples sarcophages élevés à la
mémoire de ceux qui, ayant péri dans les combats, restèrent entre
les mains des vainqueurs. D ’autres fo is , une statue placée sous un
petit hangar indique le lieu de l’inhumation, ou bien les dépouilles
reposent sur des pieux et sont recouvertes d’une pirogue renversée :
monument symbolique qui, ainsi que le dit un éloquent écrivain,
semble indiquer le naufrage de la vie.
Les observations que nous avons faites sur les Papous sont favorables
à la doctrine du docteur Gall ; leur justesse nous ayant paru
confirmée, jusqu’à un certain p oin t, par l’étude des moeurs des
individus quien font le sujet, nous semblent contredire les paradoxes
de ces philosophes chagrins qui, s’indignant des vices de
l’homme en société, ont inventé l’homme de la nature tel qu’il
n’existe pas, et en ont fait un être idéal séduisant, pour lui prêter
des attributs de puissance et des moyens de bonheur que la civilisation
et les lumières pourroient seules donner.
Nous devons ajouter que les Papous seroient susceptibles d’éducation
, que leurs facultés intellectuelles ne demanderoient qu’à
être exercées et développées pour leur faire tenir un rang distingué
parmi les nombreuses variétés de l’espèce humaine.