
seuls peuvent quelquefois creuser des canaux irréguliers entre les
madrépores, sans qu’ils soient jamais encombrés de leurs espèces,
par la double cause réunie du mouvement et de la froidure des
eaux. Tandis qu’au contraire on y voit multiplier les flexibles
alcyons.
Lorsqu’on observe avec soin ces dispositions géologiques, on
voit que les zoophytes s’élèvent jusqu’à la superficie des ondes,
jamais au-dessus ; après quoi Ja génération qui est arrivée jusque-
là paroît s’éteindre. Elle est détruite heaucoup plutôt, si, par l’effet
des marées, ces frêles animalcules sont exposés à nu à l’action d’un
soleil brûlant. Quand, sur ces jetées de dépouilles inertes privées
de leurs habitans, il se trouve de petits enfoncemens qui ne restent
jamais à sec, on remarque encore plusieurs bouquets de ces lithophytes
qui, échappés à la destruction presque générale , brillent
des couleurs les plus vives. Alors les familles qui se développent de
nouveau, ne pouvant plus construire en dehors de ces récifs sur
lesquels la mer vient briser, se rapprochent de plus en plus de la
côte, où Jes vagues amorties n’ont presque plus d’action sur elles,
comme nous l’avons vu à l’Ile-de-France, à T im o r , aux îles des
Papous, aux Mariannes et aux Sandwich ; pourvu toutefois que
les eaux n aient pas une grande profondeur, comme cela a lieu à
I île de la Tortue, dont parle C o o k , où l’on ne trouve pas de fond
entre les récifs madréporiques et 1 î le , malgré le peu d’espace qui
existe entre ces deux points.
Si nous examinons ces animaux dans les lieux les plus propres
à leur accroissement, nous verrons leurs espèces diverses, dont
les formes, aussi variées qu’élégantes, s’arrondissent en boules, s’étalent
en éventails ou se ramifient en arbres, se mêler,se confondre
et réfléchir les nuances du rouge, du jaune, du hleu et du violet.
On sait que toutes ces prétendues murailles exclusivement formées
de coraux, sont entrecoupées d’ouvertures par lesquelles la
mer entre et sort avec violence, et personne n’ignore Je danger
que courut le capitaine C o o k , à cette occasion, sur Jes côtes de la
Nouvelle-Hollande, lorsqu’il n’eut d’autre ressource, pour se soustraire
à ia destruction, que de prendre la résolution subite de s’enfoncer
dans une de ces passes étroites, où l’on est toujours sûr de
trouver beaucoup d’eau. Ceci vient encore à l’appui de ce que nous
avançons ; car si ces jetées perpendiculaires étoient entièrement
madréporiques, elles ne présenteroient pas d’ouvertures profondes
dans leur continuité, parce que le propre des zoophytes est de construire
en masses non interrompues ; et qu’encore une fois , s’ils
pouvoient s’élever de très-grandes profondeurs, ils finiroient par
encombrer, par boucher ces passages; ce qui n’a point lieu, et
ce qui n’arrivera probablement pas, par les causes que nous indiquons.
Si ces faits prouvent que les madrépores ne peuvent pas vivre
à de très-grandes profondeurs, les rochers sous-marins qu’ils ne font
qu’exhausser ne sont donc pas exclusivement formés par eux.
Seconde question. Il n’y a point d’îles un peu considérables et
constamment habitées par Jes hommes qui soient formées de lithophytes.
Les couches qu’ils construisent sous les eaux n’ont que
quelques toises d’épaisseur.
C ’est par la seconde partie de cette question que nous commencerons.
L ’impossibilité d’aller sous les eaux examiner à quelle
profondeur précise Jes zoophytes solides s’établissent, fait que nous
nous étaierons de ce qui a eu lieu jadis ; et les monumens que les révolutions
anciennes du globe ont mis à découvert, serviront à prouver
ce qui se passe de nos jours. Nous dirons ce que nous avons vu
dans plusieurs lieux, et nous parlerons d’abord de l’île même que
Péron a prise pour le théâtre des grands travaux de ces polypes ;
nous voulons dire Timor.
Relativement aux bancs de madrépores que Ja mer a laissés à
découvert dans les terres en se retirant, nous dirons qu’ils ont acquis
sur ce point une puissance que nous ne leur avons vue nulle part.