
Les îles volcaniques des Sandwich, principalement celles qui
n’ont point de ports, dont les eaux sont limpides, semblent être
plus spécialement habitées par les labres. On ne voyoit pour ainsi
dire que des poissons de ce genre dans les pirogues qui revenoient
de la pêche. Ceux que nous représentons viennent d’Owhyhi et
de Mowi. Les naturels les mangent crus au sortir de l’eau et encore
palpitans. Lorsqu’ils pèchent à la ligne, ils ont la singulière habitude
d’attacher une pierre près de l’hameçon pour le faire couler,
mais de manière que lorsqu’il est au fond, elle puisse se détacher,
en donnant un léger coup. Nous ne savons pas-s’ils ont reconnu
un avantage particulier à cette méthode, qui nécessite un nouveau
caillou pour chaque fois qu’on retire la corde. Il sembleroit bien plus
simple de l’y fixer à demeure.
Les labres ne paroissent point fréquenter en grand nombre les
côtes coraHigènes et herbeuses des Moluques et des Mariannes.
Ils cèdent ia place aux espèces que nous avons précédemment
énumérées.
Dans ces belles mers où l’on navigue paisiblement, il nous est
quelquefois arrivé de déplacer des poissons, qui, lorsque nous
passions près de quelque île, prenoient notre navire pour leur
rocher accoutumé, et le suivoient dans sa route. Nous avons vu,
de cette manière, des chétodons, des glyphisodons, nous accompagner
pendant près d’un mois. Dans le jour, ils fu}oient l’éclat
du soleil et cherchoient l’ombre sous les flancs de Ja corvette.
Ainsi, lorsque dans la haute mer on rencontre de petites espèces
qui semblent comme perdues, c’est que. Je plus souvent, elles y
ont été entraînées par les courans, à l’abri des fucus ou de grands
arbres déracinés. Ce besoin de se mettre à couvert leur est quelquefois
funeste, quand le hasard les conduit dans des parages où
il existe beaucoup de physalies : trompées par la vue des longs
tentacules bleus de ces zoophytes, qui leur offrent l’apparence
des plantes marines qu’elles affectionnent, elles s’en approchent
et sont frappées, au moindre contact, par une brûlante électricité
qui les tue.
Les poissons ne nous ont jamais paru phosphorescens par eux-
mêmes pendant leur vie : nous donnerons, dans un article relatif
à la phosphorescence de la mer, les raisons qui ont pu quelquefois
accréditer cette croyance.
Ces animaux sont sujets à rencontrer dans les eaux, des causes
délétères inconnues qui instantanément en détruisent un grand
nombre. C’est ainsi, par exemple, que M. Dussumier, négociant
de Bordeaux, qui se plaît à contribuer aux progrès des sciences
naturelles, a remarqué sur les côtes du Pégu, pendant plus de
vingt lieues, une énorme quantité de centrisques de l’espèce
tus, qui étoient morts; et que pareillement M. Sait a vu, en septembre
( 809, par environ 8° de latitude Sud, à cinq lieues de la
côte de Zanguebar, non loin du cap Delgado, le temps étant très-
frais, un banc de plusieurs milliers de poissons morts qui flottoient
sur l’eau. C’étoient principalement des spares, des labres et des
tétrodons. Ils sembloient, d’après la vivacité de leurs couleurs et la
rougeur de leurs ouïes, avoir cessé de vivre tout récemment. Le
lendemain il rencontra encore un autre banc de poissons; mais
ceux-ci étoient en putréfaction. ( Deuxiètiie Voyage eti Abyssinie ,
traduction française , tome 1, pag. 1 i 9 et 1 20. )
Dans l’état actuel de nos connoissances en zoologie, il est
probable que c’est parmi les poissons qu’il y a le plus d’espèces
à faire connoître, ce qui tient aux causes que nous avons indiquées
au commencement de ce chapitre.