
fusée qui part. Jamais, dans ces circonstances, nous n’avons vu
la moindre apparence de vapeur au-dessus de leur téte, ni le jet
d’eau observé une fois par Spallanzani dans la Méditerranée, et
par M. de Humboldt, à l’égard des marsouins, dans les eaux
douces de l’Orénoque, à plus de trois cents lieues de son embouchure.
Il faut donc admettre que ces agiles animaux ne sont point
organisés pour renvoyer l’eau par les voies de la respiration aussi
souvent que le font d’autres cétacés. Ces jets, il faut le dire aussi,
sont bien éloignés de l’idée qu’en donnent certaines gravures : ce
sont uniquement de petites nuées d’air et d’eau retombant en
pluie fine, absolument comme quand on s’est rempli à moitié la
bouche de quelque fluide, qu’on y fait arriver de l’air, et qu’on
chasse le tout avec violence.
Du reste, dans cette digression, de même que dans tous les
points d’histoire naturelle sur lesquels nous nous permettrons de
discuter, notre seul but sera de contribuer à faire connoître ce qui
existe réellement.
Revenant à l’histoire de notre cétacé , nous trouvons dans les
notes transmises à M. de Freycinet par le capitaine anglais, que
les cachalots vivent de sèches qui se tiennent par quatre-vingts à
quatre-vingt-dix brasses *. C ’est à cette profondeur que les pêcheurs
baleiniers eux-mêmes prennent les mollusques pour s’en nourrir.
On ne harponne point, disent-ils, le cachalot sur la masse énorme
que forme son museau, parce que, quoiqu’il n’y ait pas d’os, ia
peau y est si dure que le fer n’y pénétrerait pas.
^ C e c i nous explique pourquoi, dans ces parages, nous avons rencontré un si grand nombre
de coquilles de nautiles vides et roulées, sans avoir pu jamais nous procurer Tanimal: c’ est q u ii
est probable qu’ il vit à cette grande profondeur, comme les sèches et autres céphalopodes,
avec lesquels il doit avoir beaucoup de rapports. Cette analogie de moeurs nous fut connue trop
t a rd ; mais notre collègue, M. L e s son , qui va visiter ces contrées, à bord de la corvette la
Coquille, et que nous avons prévenu, ne manquera pas une si belle occasion pour rechercher
ce mollusque.
La tête d’un cachalot des Moluques, long de soixante-quatre pieds
français, donne vingt-quatre barils de blanc de baleine ( nommé
aussi, mais improprement, sperma ceti) ; et après qu’on a enlevé le
lard par zones perpendiculaires, soixante-dix, quatre-vingts et quelquefois
cent barils d’huile pure *. Les femelles acquièrent une moins
grande dimension que les mâles, et ne donnent pas au-delà de dix-
huit ou vingt barils de blanc de haleine. Sur les côtes de la Nouvelle-
Zélande, elles peuvent fournir de vingt-cinq à trente barils ; mais
les mâles, plus grands aussi en proportion, rendent heaucoup plus
des deux substances que ceux du grand archipel d’Asie.
On assure qu’il n’y a maintenant à Londres qu’un prix pour 1e
blanc de baleine et l’huile; on les vend 12 0 livres sterling les
2,000 pounds; ce qui n’avoit pas lieu, dit-on, il y a cinq ou six ans;
ia première denrée valoit i 2 à i 5 livres sterling de plus par tonneau
que la dernière. Jadis aussi on vendoit les deux productions
séparément ; les fabricans les mélangeoient ensuite : à présent on
vend le tout ensemble.
L ’ambre g r is , qui paroît fort rare chez ces animaux, se vend
1 8 shillings fon ce; il arrive souvent qu’on fait deux ou trois voyages
et autant de cargaisons sans en trouver. L e second capitaine du
navire l ’Océan eut une fois le bonheur de recueillir cinquante livres
de cette substance dans un seul cachalot, près des îles Goula Bessi.
On conserve les os des mâchoires pour en faire des cannes et
des épissoirs; on les vend aussi aux naturels des îles d’A s ie , qui les
transforment en crits ou autres armes.
Pendant notre séjour aux Malouines, un baleinoptère de l’espèce
museau pointu vint s’échouer sur les rochers de la baie Française. Un
chasseur, qui se trouvoit dans cet instant près de là, lui tira plusieurs
coups de fusil à balles qui probablement le blessèrent grièvement. Le
" Le baril contient trente-un galons et demi ; le galon est de quatre pintes françaises environ :
ce qui donne exactement un total de 307 5 pintes de blanc de baleine [2 8 5 9 litre s ], et
12 8 12 pintes d’huile [ 1 191 3 litre s], lorsqu’un de ces cétacés produit cent barils.
Voyage de VUranie. — Zoologie. j j