
tjouvées tout aussi vénéneuses dans la haute mer, comme il arriva
aux colons suisses qu’on transportoit au Brésil *.
Avouons-le, la cause qui rend la chair de quelques poissons
nuisible à l’homme nous est complètement inconnue ; et rien ne
prouve quelle doive être attribuée aux polypes saxigènes. Bien plus,
nous étions même disposés,par la grande analogie qu’ont les fongies
et certaines caryophyllies avec le tissu charnu et membraneux des
actinies, qu’on mange sur nos côtes, à les croire aussi innocentes
qu’elles , lorsque nous éprouvâmes l’effet caustique du millépore
corne d’élan. Nous savons très-hien, au reste, qu’il ne faut établir
aucune analogie entre ces deux genres de polypes, et que des
poissons n’iront pas avaler des coraux sur lesquels on ne voit à
l’oeil nu aucune trace d’animalcules, comme sur la corne d’élan ,
Je seul qui ait manifesté une action délétère. Néanmoins , dans le
doute, et dans l’intérêt de Ja vérité, nous suspendons notre jugement,
jusqu’à ce que de nouvelles expériences aient mis à portée
de décider la question.
Nous avons été bien près de jeter quelque jour sur cette matière,
lorsqu’à Guam nous prîmes un gros diodon qui avoit dans
son estomac environ deux livres de madrépore rameux grossièrement
concassé. Il n’y avoit pas long temps qu’il venoit de l’avaler,
car les polypes étoient encore dans leur état d’alhumine fluide.
Nous l’avions mis de côté pour le faire cuire, et procéder à toutes
les expériences convenables pour éclaircir le sujet qui nous
occupe ; un accident nous priva de ce poisson. C ’est le seul
que nous ayons rencontré ayant l’estomac plein de madrépore.
Il faut dire aussi qu’il est du petit nombre de ceux qui, par
l’organisation de leurs fortes mâchoires, sont capables d’arracher
” Nous tenons de leur médecin, M. B a z e t , que beaucoup de passagers du navire à bord
duquel il se trou voit, eurent des symptômes d’empoisonnement assez graves, pour avoir mangé
de certains poissons q u on prit en abondance, dont il ne put pas précisément nous dire le
n om , mais que nous soupçonnons être des scombres bonites ou des coryphènes dorades.
ZOOLOGIE. 60 1
et de broyer des polypiers pierreux. Du reste , dans aucun pays,
on ne se nourrit ordinairement de sa chair; et aux Mariannes, ainsi
que nous l’avons dit à l’article Diodon, l’espèce de dégoût que
sa vue fait éprouver aux indigènes, sembleroit être un indice qu’ils
Je considèrent comme nuisible.
S E C T I O N II.
Remarques siir les Polypes à polypiers flexibles.
Sr nous sommes peu avancés dans la connoissance des polypiers
saxigènes, à plus forte raison nous n’avons que bien peu de chose
à dire sur les polypiers flexibles, qui, en général, heaucoup plus
ténus et plus grêles, souvent moins bien organisés et habitant Ja
mer à une plus grande profondeur, se dérobent ainsi aisément à
l’observation.
Si la haie des Chiens-Marins nous a paru dépourvue de madrépores
et d’autres polypiers pierreux, nous l’avons trouvée, en
revanche, riche en éponges et en ces sortes de masses organisées,
perforées, qu’à tort on nomme des alcyons, puisqu’on ne connoît
pas encore les animaux qui les produisent. Les éponges doivent
croître assez avant sous l’eau, car dans nos courses nous n’en avons
trouvé que rarement d’animées ; le plus grand nombre, arraché du
fond de la mer, avoit été rejeté sur Ja plage. L e peu que nous
avons vu de leurs polypes albumineux et dilïïuens, nous les a
fait comparer à des méandrines irrégulières, qui auroient perdu
tout-à-fait leur forme rayonnée. Mais, nous le répétons, c’est
dans une eau paisible et limpide, dans un état de calme propre
à 1 observation, et quand on est muni d’une foule de moyens
qui la facilitent, qu’il faudroit examiner ces productions. Autrement,
à peine les a-t-on sorties de l’élément où elles subsistent,
que leurs animaux, pour ainsi dire liquides, et privés de leur
Voyage de l ’Uranic. — Zoologie.
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