
664 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Tout le rivage de Coupang en est formé; et à mesure qu’on s’élève
sur les collines (et non pas les montagnes) qui entourent la ville,
on les retrouve à chaque pas. En voilà assez pour faire conclure
d’abord que l’île entière est formée de cette substance, et que
la chaîne des montagnes d’Anmfoa et de FatéJéou, qui a peut-
être mille toises d’élévation, lui doit son origine. Mais en sortant
de la ville, on a à peine fait cinq cents pas en gagnant les hauteurs,
qu’on trouve, en place, des couches verticales d’un schiste
gris bleuâtre veiné de quartz , et sur les bords de la rivière de
Bacanassi, des blocs de roche siliceuse, de jaspe grossier, et dans
d’autres lieux, du calcaire compacte, substances qui démontrent assez
Jes bases sur lesquelles se sont élevés les zoophytes. Nous ne pouvons
indiquer au juste l’épaisseur de leurs massifs ; mais nous croyons
n’en rien diminuer en l’évaluant de vingt-cinq à trente pieds.
Beaucoup plus loin, à quinze ou dix-huit cents pieds d’élévation,
Péron trouva des coquilles fossiles. Il ne dit pas que le sol fût
madréporique ; quand bien même il l’auroit é té , en examinant ces
montagnes avec attention, on eût bientôt découvert la nature des
rochers qui en formoient les fondemens.
Ce naturaliste, pour appuyer son opinion sur le rôle important
qu’il fait jouer aux lithophytes, avance, sur la foi de naturels grossiers,
que des montagnes élevées, qu’il n’a vues qu’à dix lieues,
sont toutes madréporiques. Certes, sur un fait de géologie aussi
étonnant, on ne peut pas croire sur parole, ni des colons hollandais
, ni des hommes à demi sauvages, qui n’entendent rien aux
questions d’histoire naturelle. Voici ce qu’il dit étant à OJinama, à
quelques lieues de Coupang : « De ce dernier point nous nous
» trouvions en face de la grande chaîne des montagnes d’Anmfoa
» et de Fatéléou; ce large plateau qui domine toute cette portion
» de T im o r , est entièrement composé de substances madrépo-
>3 riques. Depuis Oëna jusqu’à Pacoula, tout est pierre de chaux
33 [samougnia batou capor], disent les habitans, et les Hollandais
33 confirment aisément ce fait. 3> ( Voyage aux Terres australes,
édit. m-4 -°, t. 2 , pag. 1 76. )
En de semblables matières, il faut avoir vu et revu, et bien noté
les faits ; car lorsque nous nous hâtons de tirer des conclusions
générales, notre amour propre trouve toujours moyen d’accommoder
ces mêmes faits à notre manière de voir.
T o ut annonce que sur l’île Timor il n’existe point de montagnes
exclusivement formées de coraux. Comme toutes les grandes
terres, elle se compose de substances diverses. L ’ayant cotoyée
sur une étendue d’environ cinquante lieues, assez près pour en
faire Ja géographie, nous avons pu voir qu’elle étoit volcanisée
sur plusieurs points. D ’ailleurs elle recèle des mines d’or et de
cuivre; ce qui, joint à ce que nous venons de dire, indique encore
en partie la nature du sol.
On pourroit nous objecter peut-être ce Bald-Head, du Port-
du-Roi-Georges, à la Nouvelle-Hollande, que Vancouver a décrit
en passant, et sur le sommet duquel il vitdes branches intactes de
coraux. C ’est encore absolument Je même phénomène qu’à Timor
et dans mille autres lieux *. Les zoophytes ont bâti sur une base
qu’ils ont trouvée, et ils n’en occupent que la surface. Car pourquoi
Bald-Head différeroit-il donc du mont Gardner, qui, tout à côté,
est formé dérochés primitives. D ’ailleurs Péron dit qu’il a la même
constitution géologique. ( T. 2 , pag. jy y . )
A Rota, une des îles Mariannes, M. Gaudichaud, notre collègue ,
» Un fait de ce genre, des plus remarquables, est celui que rapporte M S a i t , Deuxième
Voyage en A b y ss inie , tome I , pages 2 16 et 2 1 7 : « L a baie d’Am ph ila , dans la mer R o u g e ,
est form ée , d it- il, de douze îles, dont onze sont formées en partie d’alluvions, qui consistent
en cora lline s, en madrépores, en échinites, et en une grande diversité de coquilles communes
à cette mer. L ’élévation de ces îles est quelquefois de trente pieds au-dessus de la
haute marée.....................
« L a petite Me, qui diffè re des onze autres, se compose d'un rocher solid e, de pierre calcaire,
dans laquelle on remarque des veines de calcédoine. «
Ce tte petite île n’ indique-t-elle pas qu’une cause quelconque a empêché les madrépores de
ia recouvrir, tandis qu’ ils ont construit leurs demeures' aux environs, sur des bases qui doivent
probablement être de même nature que celles de la petite île.
Voyage de l ’Uranie.— Zoologie.