
CHAPITRE II.
Considérations générales sur quelques Adammifères
et Oiseaux.
C ’e s t en suivant l’ordre successif des lieux explorés par notre
expédition, que nous allons faire connoître nos observations zooJo-
giques, et que nous donnerons une idée du genre et de la quantité
des collections que nous avons rassemblées dans chacun de ces
lieux. Nous y joindrons les remarques que la brièveté du temps
dont nous pouvions disposer, nous a permis de faire sur les moeurs
des animaux; les différences qu’ils présentent, soit entre eux, soit
comparés avec ceux d’autres contrées, et les modifications diverses
que les latitudes et les localités font subir à leur instinct.
S E C T IO N I.-
Brésil et Rio de la Plata.
L a première relâche importante de l ’Uranie îm à la capitale du
Brésil, où un séjour de cinq mois à deux reprises, et des incursions
faites par l’un de nous à quarante lieues dans l’intérieur, nous
ont mis à même de présenter les considérations suivantes.
Ce nom de Brésil rappelle tout ce que la nature a de plus beau
et de plus fécond. Aux limites de la zone torride et là où commence
la zone tempérée de l’hémisphère austral, un sol granitique, alternativement
abaissé en plaines ou s’élevant en montagnes, parcouru,
fertilisé par des ruisseaux, des torrens ou des fleuves, est couvert
de la plus riche végétation. « Rien n’égale la magnificence des
« forets du Nouveau-Monde, s’écrie éloquemment M. Mirhel ; on
» ne peut se lasser d’admirer cette quantité infinie de végétaux
« rapprochés, serrés, confondus, si différens entre eux, et quel-
» quefois si extraordinaires dans leur structure et leurs produits;
» ces dicotylédons énormes dont l’origine remonte à des époques
» voisines des dernières révolutions de la terre, et qui ne portent
» encore aucune marque de décrépitude ; ces palmiers élancés
« contrastant par l’extrême simplicité de leur port avec tout ce
» qui les environne; ces lianes sarmenteuses, ces rotangs à feuilles
» chargées d’épines, dont les tiges longues et flexibles s’enlacent
« les unes aux autres, et, par des circuits et des noeuds multipliés,
« réunissent comme dans un seul groupe tous les végétaux de ces
» vastes contrées. En vain, pour s’y frayer un passage, s arme-t-on
« du fer et du feu ; la hache s’émousse ou se brise sur le bois
» endurci; la flamme privée d’air s’éteint dans l’épaisseur du feuil-
» lage. Le sol est trop resserré pour les germes nombreux qui s’y
» développent; chaque arbre dispute aux arbres voisins qui le
« pressent le terrain nécessaire à sa subsistance; les forts étouffent
» les foibles; les générations nouvelles font disparoître jusqu’aux
» moindres traces de la destruction et de la mort ; la végétation
« ne se ralentit jamais, et la terre, loin de s’épuiser, devient de
jour en jour plus féconde. Des légions d’animaux de toute sorte,
» insectes, oiseaux, quadrupèdes, reptiles, êtres aussi variés et
» non moins extraordinaires que les végétaux indigènes, se retirent
» sous les voûtes profondes de ces vieilles forêts, comme dans des
» citadelles à l’épreuve des entreprises de l’homme «
* C eu x qui ne sontpas appelés à jouir en réalité d’un aussi beau spectacle, pourront s’en taire
une juste idée d’après l’admirable gravure faite sur un dessin de M. de C la r a c , et représentant
une forêt vierge du Brésil. Jamais pinceau ne rendit avec autant de vérité ce merveilleux
effet de lumière éclairant un torrent sous des massifs de végétaux énormes, dont chacun a son
port, sa physionomie propre. II seroit à désirer que le serpent qui anime ce tableau n’ y fût
pas, ou bien qu’ il eût une position d iffé rente; celle qu’ on lui a donnée n’est pas naturelle.