
i î ¡i
VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
compagnon de voyage, le maître-canonnier de l ’Uranie, M. Rolland,
nous en procura deux, dans l’estomac desquels nous trouvâmes en
abondance les animaux dont nous venons de parler.
Tous ces oiseaux recherchent les lieux cultivés par l’homme
et que modifie son industrie, parce qu’ils y trouvent sans peine
de quoi se nourrir et élever leurs petits. Aussi y sont-ils très-
nombreux.
Quand, abandonnant la plaine et les petites montagnes des
environs de Rio de Janeiro, on s élève sur la chaîne des Orgues,
la scène change. Aux effets majestueux que produisent les cimes
élevées, les ravins, les précipices et les torrens qui bondissent dans
leurs profondeurs, se joint ce luxe admirable d’une végétation
perpétuelle, d’autant plus vigoureuse et plus fraîche, qu’elle est
sans cesse humectée par les nuages qu’elle-méme attire et produit.
L à , les espèces d’oiseaux devenues moins nombreuses, ne sont
pas les mêmes que celles que nous venons de laisser. On ne trouve
plus que le cotinga jaune, le cassique jupuba remarquable par son
croupion rouge, le gros-bec plombé, le picucuie à gorge blanche, et
celui dont le bec est singulièrement recourbé comme une faucille.
Le joli manakin aux longues pennes y fait entendre ses espèces de
roucoulemens amoureux. Aux bords des torrens, où la végétation se
trouve moins pressée, apparoît quelquefois le colibri tacheté, être
aérien, qui, par la vivacité de ses mouvemens, semble se reproduire
dans mille lieux à-la-fois. Sur la pente opposée, à l’endroit où
l’on vient de fonder une colonie de Suisses, habite l’oiseau-mouche
dont le nom de ruhis-émeraude exprime l’éclat de ses couleurs. C ’est
aussi le séjour des tangaras variés de diverses nuances : ces charmans
oiseaux vivent en petites troupes et paroissent aimer l’ombrage
des grands bois et les lieux humides ; c’est-là du moins que, souvent
au milieu des nuages, nous avons rencontré, sur-tout, les espèces
nommées tricolor et septicolor. Les tamatias se plaisent aussi dans
la solitude : le brun, peu fuyard, jouit de la faculté toute particulière
d’imprimer à sa queue des mouvemens latéraux aussi forts que ceux
que la plupart des autres oiseaux exécutent du haut en bas.
Si dans ces lieux se trouve une ferme isolée qui ait étendu ses
cultures aux alentours, on est certain d’y voir arriver des cassiques
huppés, des pies - grièches, des légions d’aras, d’amazones et
d’autres perroquets, fléaux des plantations.
Enfin, lorsqu’on estparvenu au point le plus élevé des montagnes,
vers le second registo ou corps-de-garde des douanes, établi dans
le seul lieu où l’on puisse passer pour pénétrer dans le district de
Canta-Gallo, on est frappé de la solitude profonde qui règne autour
de soi.
C ’est-là que s’opère le partage des eaux, qui ne sont encore que
de simples filets glissant sur la surface des rochers , mais q u i,
promptement grossis par leur réunion, ne tardent pas à tomber en
cataractes, à mugir en torrent, e t, bientôt libres de tout obstacle,
coulent paisiblement en larges rivières. Vers le Nord descendent les
sources do Ribeiro, de Sant-Antonio, de Rio do Conego formant
la rivière dasBengalas, qui augmente les eaux de Rio Grande ;
et au Sud, celles de Rio Macacu, dont l’embouchure est dans la
grande haie de Rio de Janeiro.
A ces hauteurs, les oiseaux deviennent plus rares, et il faut
parcourir de grands espaces pour rencontrer la pie à gorge ensanglantée
d’Azzara, l’élégant couroucou, ou bien quelques péné-
lopes. On entend de temps à autre, dans la profondeur des bois, le
pic solitaire frapper de son bec l’écorce des arbres ; tandis que 1 autour
huppé et le roi des vautours planent au-dessus des aiguilles de
granit, qui, semblables à d’immenses tuyaux d’orgues, en ont fait
donner le nom à ces monts sourcilleux. C ’est aussi la demeure
des singes; et là, par les sommités seules des forêts, ces animaux
peuvent traverser des espaces considérables sans toucher la terre.
Ceux qu’on y trouve le plus ordinairement, et dont le Brésilien
se nourrit, sont l’atèle arachnoïde, une autre espèce n o ire , le