a ménagés dans l ’enceiiile d’im jardin anglais ; on distinguait
à peine ses nombreuses îles, comme de frais la-
meaux nageant a sa surfrce, ses vaisseaux comme de
petits points, la ville et les jolis villages qui bordent la
baie comme des nids d’alcyons écboués sur la live et
perdus à moitié dans les berbes touffues.
« Rendre l’effet que produit ce spectacle esl cliose
impossible. L’âme suffit â peine aux émotions qu’il réveille.
C’est plus que de l’admiration, c’esl une exaltation
religieuse, un saint respect pour l ’auteur de toutes
cboses; c’est un profond sentiment de son infinie grandeur
et du néant de l’iiomme. Les réflexions se pressent
en foule dans l ’esprit accablé par la majesté du lieu.
Que sont, auprès de ces beautés admii-ables, les oeuvres
d une main créée? Voyez le peu de place qu’elles occupent
dans le tableau ! Ce petit amas de maisons presque
imperceptibles est la capitale de ce qu’on appelle un
grand empire; là, un souverain règne sur un peuple
nombreux; mais la vue la plus perçante ne saurait
apercevoir d’ici ni le souverain, ni son peuple; et
combien de temps doivent-ils durer? Les siècles se
sont accumulés depuis qu’une seule parole du Tout-
Puissaiit a élevé ces montagnes sur leurs bases inébian-
lables,et les a revêtues de ces arbres aussi vieux qu’elles.
Combien degénérations ont disparu depuis! Quelles traces
ont-elles laissées? Hier encore un puissant monarque
foulait le sol où reposent nos pieds; où est-il aujour-
d’bni?Il a passé comme nn éclair rapide, et s’est éteint,
comme nous allons nous éteindre après lui, comme s’é-
leindront les générations qui nous suivent; tandis qu’ici
tout restera debout, pour attester la puissance de celui
qui ne finit pas.
« Nous aurions voulu prolonger tout le jour le plaisir
de ce spectacle, (pi’on ne peut se lasser de contempler.
C’est du moins ce que j ’éprouvais; et je ne sais ce qui
aurait pu mettre fin à la délicieuse rêverie dans laquelle
j élais plongé, si la voix d’nn de mes compagnons, se
faisant l’écbo des plaintes de son estomac, n ’était venue
nous rappeler que le déjeuner nous attendait au bord
de la fontaine, et qu’après une longue marcbe commencée
à quatre beuresdu matin, il était bon de ne pas
le négliger plus longtemps.
« Ce fut le signal du départ. Mais avant de quitter
ces lieux, pour ne plus les revoir peut-être, nous voulûmes
y laisser un souvenir: chacun de nous grava son
nom sur un poteau, rjui semble avoir été mis là tout
exprès pour cet usage, car il est entièrement couvei t
d inscriptions semblables, que le temps efface à mesure
pour faire place à d’autres qui ne dureront pas plus
longtemps.
« Un quart d’heure après, nous avions rejoint nos
compagnons, que l’appétit rendait impatients, et qui ne
nous donnèrent pas le temps de raconter nos impressions.
Le déjeuner fut immédiatement étalé sur le frais
gazon, et chacun de nous s’ernpres.sa d’y faire honneur.
« Je me rappelle encore avec volupté le senlimenl de