' í-í'
eut au milieu de la nuit , éclairait peut-être des figures
amaigries déjà par les privations et la fatigue, des corps
exténués par les veilles et la maladie. Bien des jours devaient
pourtant se passer encore avant qu’ils revissent la
terre; car souvent les bâtiments baleiniers tiennent la
mer pendant neuf ou dix mois consécutifs.
Se figure-t-on ce que c’est que d’étre ainsi condamné
pendant un si long temps à toutes les souffrances physiques
et morales ? 11 faut voir pour cela l ’état déplorable
des marins baleiniers quand , après la pécbe , ils arrivent
dans nn port de relâcbe. Il faut penser aux longues
privations qu’ils ont endurées, au régime auquel ils ont
été soumis, sans pouvoir un seul jour corriger, par une
nourriture plus douce , l ’usage si pernicieux à la longue
des salaisons, qui forment leur unique aliment. Il faut
savoir qu’après tant de travaux , de périls et de misère,
ils recueilleront à leur retour, pour toute récompense,
une modiquesomme d’argent ; que s’il leur arrived’avoir
une jambe ou un bras emportés par la ligne (accident
assez commun dans ce rude métier), ils resteront peut-
être abandonnés , sans secours et sans ressources pour
l’avenir.
Alors on s’expliquera cette espèce de vertige qui s’empare
d’eux au contact de la te rre , cette soif ardente de
toutes lesjouissances qu’elle présente, en opposition avec
les peines d ’une longue navigation, l’avidité avec laquelle
ils saisissent tout ce qui peut les y retenir; on
comprendra leur répugnance à se lancer de nouveau
dans les périls dont ils sortent à peine; on excusera les
folies, peut-être même les actions impardonnables, que
le désir de briser leurs cbaines les porte quelquefois à
commettre.
Au moins sera t-on indulgent pour ces malheureux ,
qu’ il serait cruel de punir trop sévèrement.
Si nous trouvons d’ailleurs dans les rigueurs de leui-
existence de suffisantes causes pour expliquer la désej-
tion des marins baleiniers, il nous paraîtra tout naturel
que ces causes agissent surtout lors de leurs relâclies
dans les ports du Cbili. Ce pays est pour eux comme
une autre Capoue, dont les délices exercent sur les marins
une influence presque irrésistible. C’est là qu’au
retour d’une longue campagne, la plupart cbercbeiit â
s’échapper. On assure (]u’â la Conception il y a plus de
trois cents matelots français déserteurs. Ils s’y sont établis
et mariés, trouvant beaucoup plus doux d’y vivre
à peu près sans rien faire , que d’aller de nouveau affronter
les fatigues et les dangers de la pêche.
D é s e rte u rs d e la Bonite.
11 paraît au surplus que le mal est contagieux , car i!
se communiqua à quelques bommes de la Bonite dès
son arrivée à Valparaiso.
Le premier qui y succomba fut un nommé Mattei ,
matelot de 3® classe, qui s’échappa le a4 juin , el qu’on
ne retrouva plus. Il faisait partie de l’équipage de la cba