11 personne, en rapprochant davantage le lecteur du voyageur
Il sans l’intervention d’un historien étranger, attacherait plus
11 fortement l’attention, et, par conséquent, serait plus intéres-
11 santé et plus agréable. »
Placé dans une position analogue à celle du docteur Hawkesworth,
et, comme lui, chargé de raconter un voyage que je
n’avais pas fait, je me suis posé la même question, et, après y
avoir réfléchi, j ’ai cru devoir la résoudre dans un sens tout
opposé. Non que je méconnaisse l’intérêt qu’inspire un récit
placé directement dans la bouche de celui qui a vu, mais parce
qu'il m’aurait été difficile, en suivant cette méthode, de tirer
complètement parti des documents divers mis à ma disposition,
et d’attribuer à chacun de vous ce que renferment d’intéressant
les notes que vous avez bien voulu me confier.
Si le docteur avait à travailler successivement d’après les
journaux de plusieurs navigateurs, il n’en avait jamais qu’un
seul à mettre en scène à la fois. Dans les voyages de Cook,
c’est toujours Cook qui parle; il en est de même de Wallis,
de Carteret et de Byron, dans les voyages faits par chacun
deux.
Ma position était bien différente ; j ’avais à raconter le voyage
de la Bonite, et je devais y faire entrer, non pas seulement les
observations consignées dans le journal du commandant, mais
aussi celles que chacun de vous a eu soin de noter, aussi bien
que les impressions particulières dont vous avez gardé le souvenir.
Comment dès lors conserver la première personne.i* Cela ne
se pouvait évidemment qu’en attribuant à M. Vaillant les pensées
de chacun de vous , ce qui n’eût été ni juste ni convenable ; ou
en mettant eu regard, dans chaque chapitre, vos opinions et
vos récits, comme dans un rapport d’eiiqnéte; ce qui, probablement,
n’eût guère amusé le lecteur.
J’ai reculé, je l’avoue, devant la pensée de donner à mon
livre cette physionomie d’un habit d’arlequin, et je me suis
résolu à parler moi-même, au risque de paraître ennuyeux , me
réservant d’ailleurs de vous mettre personnellement en scène
toutes les fois que l’occasion s’en présenterait.
Ainsi, dans le cas très-probable où il me serait arrivé de
commettre quelques erreurs en interprétant mal les notes qui
m’ont été remises, ou de hasarder quelques réllexions qui
pourraient ne pas être justes, la faute n’en retombera que sur
moi.
Je dois ajouter que, dans les passages mêmes où je vous ai
fait parler, je me suis permis de ne prendre que le fond même
de vos pensées, auxquelles je me suis toujours attaché à rester
fidèle, et que, du reste, j’ai cru pouvoir les habiller à ma guise,
pour con.server, autant que possible, une certaine unité dans le
•Style.
Je vous prie de me pardonner si, parfois, vous y perdez
quelque chose. J.e lecteur prévenu vous tiendra compte du
fond, qui est l’essentiel, et ne s’en prendra qu’à votre maladroit
interprète des vices de la forme, qui n’est que 1 accessoire.
Et puisque je suis en train de faire ici ma confession, il faut
bien que j’avoue encore une dernière licence , permise, je pense,
dans la position que j’ai choisie. Je ne me suis pas contenté de
vos notes, si intéressantes quelles soient, j ’ai aussi puisé dans
des documents étrangers au voyage, quand j’y ai trouvé quel-
ipies détails, peut-être dédaignés par vous; mais ici encore
toute la responsabilité pèse sur moi.
V oilà ce q u e j ’avais à v ou s d ire , n o n p o u r ma ju stifica tion ,