et d’une main vigoureuse il Frappe sui' ses jambes de
derrière, qui flécbissent ensemble coupées du même
coup. Le boeuf, que la douleur rend furieux, se débat et
bondit avec rage; ses longs mugissements épouvantent
la plaine; il fait des efforts désespérés pour rompi'e le
lien fatal qui l’entraîne toujours et le force à courir
encore sur ses jambes mutilées. C’est l’instant qu’attendait
le/wrtirx/w; la furie de l’animal l’anime; il tressaille,
il s’élance, et tombe, rapide comme la foudre, sur le
cou de sa victime que ses genoux étreignent. Malheur à
lui, s’il lâchait prise en ce moment décisif; mais il a
tout prévu. Cramponné aux cornes du boeuf bondissant,
il épie, sans se laisser effrayer, le moment favorable, il
choisit la place où doit s’enfoncer l’arme meurtrière.
Bientôt, frappé d’une main sûre an défaut de la colonne
vertébrale, le boeuf tombe roide mort sous le matador
triomphant.
Celui-ci 1 abandonne aussitôt, après lui avoir fait au
cou une large blessure d’où le sang jaillit en abondance.
Alors s’avancent ceux qui sont chargés de dépecer l’animal;
el, tandis qu’ils exécutent sur place cette opération
peu agréable avoir,de nouvelles victimes entraînées
dans la plaine viennent subir le même sort.
Eu moins d une beure, plus de cent boeufsjonchaient
ce champ de carnage. Nos voyageurs, en retournant à
la ville, se demandaient ce qn’on pourrait, dans un
combat, attendre d’hommes aussi intrépides que les
Gauchos (\\\ ils venaient de voii’. — La guerre des Anglai.s
contre Biienos-Ayres l’a déjà montré, répondil alors
leur guide : tels vous avez vu les Gauchos luttant contre
des animaux furieux, tels ils se montrent dans les batailles;
ainsi ils envoyaient leur terrible lacet sur les
cavaliers anglais qu’ils entraînaient avec leurs cbevaux ;
ainsi chaque jour ils fondent sur les .jaguars, espèce de
tigres fort communs dans le pays. Rarement ils manquent
leur proie. Tous les boeufs qui peuplent les enclos
de la plaine ont été pris comme vous venez de le voir,
dans les solitudes éloignées oii ils vivent à 1 état sauvage.
Les cavaliers gauchos vont les lacer, an milieu de leurs
déserts, pour les conduire dans un corral, où ils en
forment un troupeau; et telle est la crainte qu’ils inspirent
à ces animaux, que cinq ou six cavaliers suffisent
pour conduire ensuite ce troupeau devenu docile,
et l’amener de loo ou i 5o lieues de distance.
C’est de la même manière qu’ils s’emparent des chevaux
sauvages. Deux Gauchos àla fois lancent leur las sur un
cbeval. L’un le saisit par les jambes de devant, l’autre
étreint ses jambes de derrière. Le cheval tombe, e t ,
tandis qu’il est ainsi maintenu, un troisième Gaucho lui
met le mors et la selle. On le débarrasse ensuite de ses
liens; le cavalier saute lestement sur lui, et, désormais
son maître malgré ses bonds furieux, il le lance au galop,
jusqu’à ce que, épuisé de fatigue, l’animal s’abatte sans
mouvement. L’épreuve est finie pour ce jour-là; on laisse
le cbeval dans un enclos, après lui avoir ôté le mors et
la selle. Le lendemain l’épreuve est renouvelée, ainsi