M. Darondeau ne se fit pas prier; et comme son récit
peut intéresser quekpies-uns de mes lecteurs, je
saisis 1 occasion de le rétablir ici. Il servira de complément
a ce <pii est dit dans un autre cbapitre au sujet
de Rio-Janeiro.
L a p ro c e ssio n d u v e n d re d i sa in t à R io -Ja n e iro .
« Vous savez, Messieurs, dit M. Darondeau , comment
mes journées étaient employées, pendant notre trop
court séjour à Rio-Janeiro. Occupé constamment à
1 observatoire de Saint-Domingue, je ne pouvais, comme
quelques-uns d’entre vous, aller m’égarer dans ces belles
campagnes, dont je n’ai vu que la lisière. Bien des fois
je l’ai regretté, car j ’ai moins que vous Ja chance de
revoir les pays que nous visitons; et toul ce qui m’échappe
dans cette course rapide est autant de perdu
sans retour. J aurais voulu du moins trouver une compensation
dans les observations dont la ville même peut
offrir le sujet; et c ’est pour cela que le soir, à riieure
où mon travail finissait, je venais assidûment saisir l ’occasion
de voir ce qui peut s’offrir à la curiosité d’un
étranger.
Mais il faut, pour étudier les moeurs d’un peuple,
plus de temjis el de moyens que je n’en avais;
sans relations avec la société du pays, je ne pouvais
avoir la piétenlion d’apprendre antre cbose ijiie les
dehors de la vie brésilienne, et ce que j ’en ai vu est bien
peu '.
« Dès notre arrivée, j’avais été péniblement affecté à
l’aspect de la population esclave, qui seule circule ordinairement
daus les rues; aussi avais-je compté pomme
dédommager sur les cérémonies de la semaine
sainte. Je supposais, en effet, que dans un pays religieux,
elles attireraient probablement hors de leurs retraites
, les maîtres invisibles de tons ces noirs malheureux
, et réuniraient aux pieds du même Dieu le seigneur
el le serf.
« La ricbesse des églises, le nombreux clergé par qui
elles sont desservies, m’avaient d’avance indiqué qu’à Rio-
Janeiro , comme dans toul le midi de l’Europe, les platiques
extérieures de la dévotion devaient entrer pour
beaucoup dans la religion du pays, et que les pompes
de l’Église ne pouvaient être exemptes d’un certain accompagnement
de folies mondaines.
« Vous étiez trop fatigués, en revenant le soir de vos
courses dans les montagnes , pour vous arrêter à observer
les habitants de Rio-Janeiro , le jour du jeudi saint ;
et cependant vous avez pu remarquer les brillantes toilettes
que les dames de la ville étalaient dans les rues ,
en allant d’église en église visiter un Dieu crucifié.
L’bumililé ne paraît pas ici, plus qu’ailleurs, la vertu
favorite d’un sexe habitué aux hommages. Je ne vou-
* M. Darondeau, notes.
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