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Demain, celte agitation aura disparu ; une tristesse
calme et résignée lui succédera. Mais aujourd’hui quel
trouble et quelles angoisses I Éloignons-nous discrèle-
ment de ce lieu de désolation : la douleur d’une mère ne
veut pas être consolée, et le coeur déchiré d’une épouse
est un sanctuair e on I oeil profane d’un étranger ne doit
pas pénétrer.
Un spectacle animé nous appelle, d’ailleurs, sur la
rade ; ici règne encore l’agitation du départ, mais ce
n’est pas une activité stérile produite par la seule inquiétude.
Des embarcations nombreuses sillonnent la rade
et le port ; le navire en est assiégé : ce sont les dernières
provisions de départ qui lui arrivent, les effets des passagers
qu’on embarque. Ce petit bâtiment, que sa voile
carrée partage également dans sa longueur, et dont le
mât s’élève à peine, c’est la citerne. Un bassin construit
dans toute l’élendue de la cale renferme trente ou quarante
tonneaux d’eau douce qui vont compléter la provision
du navire. La voilà qui accoste ; aussitôt tous les
bras sont occupés à bord ; les pompes sont en jeu , les
caisses de fer achèvent de se remplir; car on ne saurait
avoir trop, en mer, de cette liqueur, si commune à terre,
et dont le meilleur vin ne compenserait pas la privation.
L’équipage, qui, dans les travaux de l’armement, a dû négliger
les soins de propreté, si nécessaires â bord, profile
de celte dernièie occasion, pour lavera l’eau douce, avant
le départ, son linge, ses hamacs el ses vêlemenls souillés.
Des cordes tendues de vergue en vergue, dans toute
la longueur du navire, sont bientôt conveiTes de ces
blancs pavois, (|ui , suspendus en longues files, semblent
annoncer une fête particulière. C’est, en effet, la
fêle du départ, la fête où de légers canots conduisent
de tons les bâtiments en rade une foule de joyeux officiers
, empressés de porter à leurs camarades leurs voeux
de bon voyage. Là, point de triste.sse, point d’émolions
pusillanimes; ne sonl-ils pas tous enfants de la mer?
l’ourraient-ils craindre pour ceux qui vont affronter les
écLieils, eux, qui bientôt s’élanceront dans les mêmes
voies? Ah! plutôt qu’ils les félicitent, car ils vont faire
une belle campagne. Que de jeunes coeurs tressaillent en
secret d’une noble émulation ! Combien regardent d’un
oeil d’envie celle belle corveUe qui va faire le tour du
monde et porter ses habitants privilégiés dans des contrées
si curieuses â explorer ! Aussi que d’élan , que d’enthousiasme
dans l’expression de leurs sentiments ! Mais
il faut enfin se quitter; l’heure de la retraite appelle
chacun à son bord, et après un dernier toast à la santé
des voyageurs, les canots sillonnent de nouveau la rade
au bruit harmonieux de quelque chant de mer qu’accompagnent
en cadence les coups répétés de leurs
avirons.
Telles étaient les scènes qui se passaient à Toulon le
5 février i 836.
J’ai déjà dit ([ue M. Vaillant avait annoncé l’intention
de parlii- le G, dès (pie le jour paraîtrait. Pour que rien
ne pût mettre obstacle â celle disposition, non-seule