vaieiil rejeter la corvette en dehors de cette dernière
terre.
Depuis ce moment jusqu’au 8 mai, le temps, presque
toujours beau, permit de continuel’ la même route, en
manoeuvrant selon les variations de la brise, qui souffla
alternativement avec plus ou moins de force de toutes
les directions comprises entre le S. S. O. et le N. N. O.,
en passant par le Nord. Le sillage de la corvette, très-
faible quand elle avait à serrer le vent pour conserver
le cap vers le Sud, ou quand une brise trop fraîche forçait
de réduire la voilure, augmentait rapidement dès
qu’un souffle du N. an N. O. se faisait sentir, et elle atteignit
parfois jusqu’à neuf ou dix noeuds de vitesse; aussi,
dix jours ajirès le départ de Montevideo, elle avait déjà
dépassé la latitude de l’entrée du détroit de Magellan,
et se trouvait à trente lieues environ dans le Nord de la
terre des Etals.
Tout allait donc pour le mieux au début de cette traversée,
et chacun à bord s’en ressentait. Aussi la féte du
Roi, célébrée le i®'' mai sur la Bonite , ne fut-elle troublée
par aucun des incidents désagréables qui , dans
ces latitudes et dans cette saison surtout, viennent souvent
contrarier la navigation.
U n h om m e to m b e à la m er.
La veille de cette journée avait pourtant été marquée
par un événement qui faillit couvi ir de deuil les apprêts
de la féte. Le matelot Lbera , gabier de beaupré, était
occupé en dehors du navire à goudronner les haubans
de minot, lorsqu’une lame, déferlant sur l’avant de la
corvette, l’enlève violemment et le laisse retomber dans
les flots. Aussitôt, répété par toutes les boucbes , le cri
d’alarme : Un homme à la mer! retentit d’un bout à
l’autre de la Bonite; mais il est bientôt couvert par la
voix du lieutenant alors de service sur le pont ; — La
barre dessous! (s’écrie M. Pironnean). — Carguez les
basses voiles! — Masquez derrière! — Amenez le canot
major!... Tout cela est exécuté avec la promptitude de
la parole ; et les derniei's sons de la voix de l’officier
vibrent encore , que déjà les canotiers de sametage volent
au secours du naufragé.
Ce qui avait été cause de sa cbute fut aussi ce qui contribua
à son salut. La mer assez grosse , soulevée par un
vent de S. O., venait d’une direction contraire à la
marche de la corvette : celle-ci s’arrêta et commença à
reculer dès que ses voiles ne la soutinrent plus enroule;
en sorte qu’elle se trouvait à peu près à la même place
lorsque le canot fut prêt à flotter. En moins de cinq
minutes , Obéra était retrouvé, sauvé et ramené à
bord.
Il ne fut plus question que de tout disposer pour la
fête du lendemain ; les exercices d’artillerie et les travaux
de garniture, repris dès le départ, furent suspendus
pour ne s’occuper que de la parure du navire et des
soins de propreté commandés par la circonstance.