Bonite. On ne til c|iie gagner à son congédiement; car
il serait devenu un endiarras à bord, et peut-être son
mal se fùt-il communiqué à d’autres : rieu , on le sait,
n’est plus contagieux que le découragemeut .el la peur.
A p p a re illa g e .
Le 6 février, à liuit heures et demie du matin, la corvette
appareilla sous toutes ses voiles. La matinée était
belle, le ciel pur; la brise, soufflant de l’est, faible
d’abord, commença bientôt à fraîchir. Après plusieurs
bordées, pour sortir de la rade en louvoyant , le cap
Sépel fut doublé à onze heures, et le commandant donna
la route au Siid-Qiiart-Sud-Ouest.
A midi, le point de départ fut déterminé par des relèvements
qui plaçaient la corveUe à ùpA 55' de latitude
Nord et 3° l\\ de longilude Est.
C’élait comme un dernier adieu à la terre nalale, qui
bientôt allait se perdre dans l’éloignement. Le coeur se
serre involontairement dans ce moment suprême, el le
marin le plus aguerri contre les hasards de son pénible
raétiei’ ne saurait se défendre d’une certaine émotion,
quand il se dit comme le commandant de la Bonite :
a Sur cette terre, que je quitte peut-être pour ne plus la
revoir, sont restés tous les êtres que j ’akne. Là, des parents,
des amis dévoués s’affligent de mon départ et
font des voeux pour mon heureux retour. Hélas! ces
voeux seront-ils exaucés ! que de dangers, que de cbances
contraires sèment la longue roule on je suis maintenant
lancé! Priez, [)riez , vous dont l’affection m’accompagne
; vos voeux seront entendus de celui dont la providence
veille sur le pauvre marin. Il m’a déjà guidé
dans ma difficile carrière, m’abandonnerait-il après m a-
voir conduit au poste honorable où je suis parvenu ?
Non , je crois à la voix intérieure qui me dit d’espérer !
Celle belle corvette, que je dois diriger à travers les périls
de la mer, n’est point destinée a |)erir. Sa noble mission
s’accomplira. Je reverrai ce beau pays de France,
heureux de vous y retrouver. Adieu donc, au revoir,
vous tous qui m’aimez; conservez-moi un souvenir tendre
comme celui que j ’emporte de vous; jouissez du
bonheur et de la paix , tandis que j ’irai, conduit par le
devoii’, conquérir de nouveaux litres a votre affection et
à votre estime »
Tels étaient eu effet les sentiments qui remplissaient
lame de M. Vaillant au début de son long voyage. Tels
étaient ceux de ses compagnons, tandis que dans leurs
coeurs vibrait comme un écho de ce cri du poêle, saluant
aussi le sol de la patrie ;
Que la brise (les mers te porte mes adieux.
O France, je te q u itte ; adieu, France chérie!
Adieu, doux ciel natal, terre où j ’ouvris les yeux !
Adieu p a trie , adieu patrie ! ^
M. V.aillant, jo urn al particulier.
Casimir Delavigne, Messéniennes.