« J’ai vu le vent changer du N. au S. et de l’E. à l’O. en moins
de dix minutes, et souffler en ouragan successivement des quatre
points cardinaux : un quart d’heure après, régnait un calme
profond. C’était au commencement d’aoùt.
« Cette navigation, généralement parlant, est très-dangereuse
pendant ces trois mois, parce qu’on éprouve ou des calmes
pleins ou des bourrasques terribles. Ceux qui la fout, doivent
user de la plus grande prudence. Vers la mi-août, à mon premier
depart de Guaymas, je fuyais avec un grand frais de F.
O. qui paraissait un temps fait; tout à coup le vent saute au
S. E. avec beaucoup plus de violence qu'il n’avait précédera-
ment.
« Je n ai ob.servé dans le golfe que des courants très-faibles :
dansla belle saison, c’est-à-dire de mai en juin, ils m’ont porté,
quantité moyenne, de huit railles au sud en vingt-quatre heures,
et a mon départ ils me portaient à sept milles dans le N.,
aussi en vingt-quatre heures.
« La côte de la Sonora est très-dangereuse : il y a des bas
fonds qui s’étendent au large, et notamment la basse de Culia-
can, qui s’avance de plus de trois lieues dans la mer, sans
pourtant que la carte en fasse aucune mention. Il vaut mieux
ranger la cÔte de Californie ; elle est saine partout, et donne
dans la nuit des brises très-favorables.
« Le port de Mazatlan, qui se trouve sur la côte delà Sonora
par les 23° 12' latitude Nord, est mauvais, et même pernicieux
de juillet en novembre.
« Le port de Pitchilingue, sur la côte de la Californie, est
excellent et à l’abri de tout vent : il y a de cinq à quatorze brasses
deau dans toute son étendue; sa latitude est de 24“ 17'
Pour y entrer, il faut se tenir à égale distance de l ’île Spiritu
Santo et de la pointe San-Lorenzo, et ne pas s’en rapporter à
la carte ; elle marque neuf brasses d’eau tout près de la pointe ;
fort de cette donnée, je rangeais cette pointe avec sécurité:
mais quelle fut ma suprise ? je passai subitement de quinze
brasses d’eau à trois brasses!!! Aussitôt je fis jeter l’ancre, et
nous ue dûmes notre salut qu’à la promptitude de cette manoeuvre.
»
D’après l’itinéraire de la Bonite, M. Vaillant devrait se trouver
dans ces parages vers le mois d’aoùt, époque à laquelle le
capitaine Bénard annonce des vents de S. O., mer grosse, pluie
abondante, temps excessivement froid. Cette saison paraît
donc très-peu favorable pour les travaux hydrographiques.
Mais, comme elle dure depuis le mois de mai jusqu’en novembre,
il est impossible de l’éviter.
Les îles qui se trouvent à peu de distance des côtes d’Amérique,
comme les îles Malpels et des Cocos, pourraient aussi
être déterminées avec plus de précision qu’elles ne le sont. Il
reste même sur l’étendue de cette dernière une incertitude
assez forte, puisque Vancouver lui donne quatre milles et demi
d’étendue , tandis que Colnet, qui en a- aussi donné un plan ,
lui en donne douze. Cette incertitude pourrait être facilement
levée, en même temps qu’on assignerait la position de cette île.
Dans sa traversée des côtes d’Amérique aux îles Sandwich,
qui doivent être un point de relâche pour la Bonite, ainsi que
pour aller de ces îles à la mer de Chine, nous ne pouvons
qu’engager M. Vaillant à consulter la carte de l’océan Pacifique
(de M. d’Urville), et à diriger sa route de manière à vérifier
les positions de quelques-unes des nombreuses îles, dont le
nom, accompagné d’un point d’interrogation, annonce que la
position et quelquefois même l’existence est douteuse. Beaucoup
de ces îles ont été annoncées par les baleiniers américains
qui parcourent continuellement ces mers. On sait que
leurs observations sont rarement précises, et d’ailleurs, pour
des déterminations obtenues la plupart du temps par des
chronomètres, la liaison avec les points voisins est de la plus
grande nécessité, et les déterminations isolées sont rarement
précises. M. Vaillant pourra donc, sans retarder son voyage,
fixer nos doutes sur plusieurs de ces îles. Nous ne dirons rien
sur les observations que M. Vaillant pourra faire aux iles Sand