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an inilien cle la nnil, éclairée par la seule lueur des
torches vacillantes; les chants sacrés qui remplissaient
les airs; les rues jonchées de fleurs; le parfum des encensoirs,
montant en blancs nuages jusqu’au faîte des
maisons; toutes les fenêtres ornées de riches draperies
et garnies de spectateuis en costume de féte: tout contribuait
à produire un effet singulièrement pittoresque
et dont le souvenir ne saurait s’effacer.
« J’avais commencé par sourire; à la fin, je me sentis
ému. Qu’importe en effet la forme de l ’iiommage, si cet
bommage est sincère? Ces démonstrations, qui nous
paraissent puériles, à nous qui avons relégué dans le
temple toutes les solennités de la religion, sont cbose
toute simple aux yeux de ce peuple. Ces spectacles,
qu il aime, n’empêchent pas les vices qui se cachent
sous un appareil extérieur de religion. Qu’est-ce à dire?
Serait-il meilleur si on supprimait la pompe des cérémonies
? 11 arriverait probablement tout le contraire; car
pour les masses, ce cpii frappe les sens laisse toujours
plus de traces dans l ’esprit, que les plus sages raisonnements
sur la morale et !a religion.
«Je suis loin de vouloir dire que, même à Rio-Janeiro,
les solennités religieuses ne fussent plus convenables
et plus imposantes, si on les purifiait de ce mélange
de travestissements bizarres, qui transforment
une procession en représentation théâtrale; mais cet
accessoire de mauvais goût n’a réellement d’importance
cpie poui- ceux cjui n’y sont pas habitués, el j ’aime â
penser- que, cbez les personnes pieuses du pays, il n’emporte
pas le principal.
« Je préfère, dans tous les cas, ce genre de superstition
â celui qui fausse l’esprit du peuple sur la nature de
ses devoirs, et qui met, à la place des vertus dignes du
ciel, des pratiques sans valeur, par lesquelles il croit racheter
tous les crimes.
«J’ai vu à ce sujet, dans une église de Montevideo,
une inscription qui me paraît digne d’être citée comme
exemple de cette aberration d’esprit. Elle est ainsi
conçue ; Ceux qui baisent la robe des religieux franciscains
seront rachetés de cinq ans de purgatoire
Voilà certainement un moyen fort commode de gagner
le paradis, et il est très-facile à pratiquer à Montevideo,
car les religieux franciscains n’y manquent pas. J’ai
grande confiance dans la vertu de ces bons pères; mais,
fussent-ils tous aussi saints que leur fondateur, je serais
très-peu rassuré sur ma destinée future, s il n y avait
pas de moyen plus efficace pour mériter le sort des
bienheureux.»
Tandis que M. Darondeau traduisait ainsi à ses compagnons
de voyage des impressions que plusieurs avaient
éprouvées comme lui, les derniers rayons du soleil s’étaient
éteints dans l’occident. Le vent, très-faible pendant
tout le jour, fraîchit un peu à l ’entrée de la nuit,
et amena quelques gouttes de pluie qui mirent fin à l ’en-
‘ M. Darondeau , notes.