joie; cai' on oublie liien vite les ennuis passés (|uand un
coinniencenient de l)ien-étie ranime l’espérance et présente
en beau l’avenir. Si l’on parlait encore des désagréments
de la traversée du cap Horn , c’était pour en
rire et poui' s’applaudir d’en avoir été quitte à si bon
marcbé. Seul, parmi les officiers, M. Toucbard conservait
de ces journées pénibles un souvenir beaucoup
moins agréable. Renversé du banc de quart par un violent
coup de mer, pendant la tourmente du 18 mai, il
s’était blessé à la jambe; el (juoicpie dispensé du service
depuis plusieurs jours, il n’avait point encore réussi à
guérir sa blessure. Le docteui' lui promettait cependant
qu’il n’y paraîtiviit plus avant d’arriver à ’Valparaiso, et
tpt’il pourrait jouii' tout à l’aise des plaisirs de la relâcbe
dans ce lieu, bien séduisant sans doute, puisqu’on l’a
décoré du beau nom de Vallée du Paradis.
— Dieu veuille, repaitit h ce propos le commissaire,
ne pas nous clias.ser trop vite de ce paradis-là, et m’en
donner ma part. Ce ue sera que justice, car jusqu’ici
je ue me suis guère aperçu des relâches qu’au surcroît
de travail qu’elles m’ont donné. A Cadix, pas de carnaval
; à Rio, pas de promenades dans les forêts vierges,
où mon ami Fisquet a vu de si belles choses; c’est â
peine si à Montevideo j ’ai pu admirer les pieds mignons
et la taille fine des beautés de l’Uruguay. — Bon! dit le
docteur ; et la procession du vendredi saint à Rio-Ja-
neiro, que nous avons vue ensemble et qui nousa fourni
un si beau texte d’observations, l’avez-vous oubliée?—■
Non certes! je crois voir encore la jolie sainte Madelaiiio
,pii figurait dans le cortège , parée des plus riches atours,
et portant une cassolette d’où s’exhalaient de suaves pai-
fums. Elle m’a réconcilié avec les Brésilieiines , el j ai
pensé, en la voyant, que si généralement on en rencontre
fort peu de jolies, c’est que probalilemenl les belles
de ce pays-lâ se montrent seulement dans les grandes
occasions. J’avoue que l’éclat velouté de ses grands yeux
noirs a si bien fixé mon attention, que j ’ai fort peu vu
tout ce qui se passait autour d’elle. Mais M. Darondeau ,
qui se trouvait là aussi en pbilosoplie observateur, pourrait
vous décrire en détail la cérémonie, el ce serait nue
excellente occasion pour compléter les notes de ceux de
nos collègues que l’étude de la nature a constammeiH
entraînés à courir les champs. Voyons, M. Darondeau,
rappelez vos souvenirs; la description dune cérémonie
pieuse sera uu piéambule très-convenable à la féte de
demain ; car je vous rappelle, ¡VIessieurs, que c est
demain la Trinité. Nous oublions facilement les l'êtes
de l’Église , dans notre métier de voyageurs ; nous
avions peu le temps de célébrer le jour de Pâcpies ,
pendant l’agitation de notre relâche dans la capitale dn
Brésil ; les glaces el les coups de veut ont fait tort a la
Pentecôte; c’est le cas de nous rattraper, en solennisant
triplement la fête de la Trinité. — Parfait, [lariait '
s’écrie le docteur; j ’approuve la motion, et je vole a
l’auteur une bouteille de cet excellent rluini ipie nous
a procuré M. Constant.
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