tout le monde, el bientôt peut-être trouverez-vous qu’il
y en a trop. En effet, peu d’instants après, on aperçut
une seconde île de glace, puis une troisième, et, tandis
qu’on explorait l’horizon pour en découviir d’autres,
la mer, brisant violemment à l’avant de la corvette, signala
tout à coup un banc à fleui' d’eau, sur lequel on
allait se jeter. L’émotion fut vive parmi lous les assistants;
mais, gi'âceà une prompte manoeuvre, on parvint
beureusement à l’éviler.
L e D om bre de.s g laces au gm e n te .
A mesure qu’on avançait, les glaces flottantes devenaient
plus nombreuses : il fallul se disposer sérieuse-
mentà veiller leurapprocbe, et, dès ce moment, M.Vaillant
organisa un service régulier de guetteurs, en même
temps qu’il faisait régler la voilure de la Bonite de manière
à rendre ses évolutions plus faciles.
Le baromètre baissait; le temps, assez beau jusqu’à
midi, commençait à se couvrir; la mer grossissait sensiblement,
et, d’instants en instants, de nouveaux bancs
de glace se montraient dans toutes les directions. Il
fallait constamment manoeuvrer pour éviter les abordages;
mais tout cela n’était rien encore. La nuit allait
venir sombre et embrumée; peut-être aussi de nouveaux
orages; car jusque-là les indications du baromètre n’avaient
jamais trompé.
Cette première nuit dans les glaces se passa pourtant
mieux que le commandant ne l’appréhendait. Le vent
se calma vers le soir; la corvette filait de trois a quatre
noeuds, et, malgré la boule, qui retardait sa marcbe, elle
continua sans accident à s’avancer dans l’Ouest. Cependant,
vers quatre heures du matin, le temps se rembrunit
de nouveau : la vue s’étendait à peine à quelques
encâblnres. En ce moment un banc de glace parut à
l’avant de la corvette; on évolua pour le laisser à droite;
mais aussitôt un aulre se montra du côté opposé ; on
tombait de Cbarybde en Scylla. Peu après, la brume,
devenue plus épaisse, couvrit la mer d’un voile impénétrable.
De temps en temps, cependant, à la suite d’une rafale,
l’atmosphère se dégageait et donnait le moyen
d’explorer rapidement l’horizon. Dans un de ces moments
d’éclaircie, on vit, à peu de distance en arrière, et sous
le vent de la corvette, une île de glace assez étendue
et très-élevée au-dessus de l’eau : la Bonite élait passée
près d’elle, sans que personne l ’eût aperçue. Il y avait
de quoi frémir en pensant à ce qui serait arrive, si la
corvette se fût heurtée contre ce redoutable écuell ;
bien plus encore, en songeant qu’à chaque minute on
était exposé à courir le même danger, pendant la nuit
surtout.
Dans la matinée du 2 i, le temps redevint très-mauvais