mille désordres que toute la sévérité de la discipline ne
parvient pas toujours à réprimer.
Cela dit par forme de justification, revenons à nos
voyageurs. Ils terminèrent gaiement la journée gaiement
commencée, et firent très-bien d ’en profiter; car
dès le lendemain, les froides ondées de neige fondue
vinrent leur rappeler qu’ils n’étaient point encore sortis
des domaines de l’biver austral. Pourtant la température
était assez douce, car le tberinomètre, qui marquait
to° à midi, ne descendait pas la nuit au-dessous de 7°.
Les journées suivantes présentèrent les mêmes alternatives
d’assez beau temps, de pluies et de brumes. Les
vents aussi varièrent presque constamment de force et
de direction, sans cependant devenir contraires; des
calmes, des rafales, parfois aussi de la grosse mer, continuèrent
à exercer l’activité de l ’équipage par de fréquentes
manoeuvres. Mais cela n’était plus rien en
comparaison des fatigues du cap Horn, et personne ne
s’en occupait.
Il était temps cependant d’arriver à Valparaiso ; quelques
symptômes de scorbut se montraient déjà chez
plusieurs des matelots, et accusaient le besoin de vivres
frais, dont ils étaient privés depuis plus d’un
mois. Néanmoins le nombre des malades n’avait pas
augmenté; il diminuait même de jour en jour.
Le g ju in , à midi, la Bonite se trouva à 1 1 ,5 milles
environ dans l’O. i /4 S. O. de la pointe de Coroumilla.
On avait fait peu de chemin pendant les trois jours
précédents, à cause du calme et des faibles brises qu i,
soufflant de temps en temps, pouvaient à peine donner
à la corvette un demi-noeud de vitesse. Mais, en
revanche, on avait eu le loisir de mettre tout en ordre
à bord, pour paraître avec avantage dans le principal
port du Chili. M. Vaillant fit décharger les pièces de la
batterie, pour remplacer les charges que les mauvais
temps et la brume avaient dù avarier. Il profita aussi de
la circonstance, pour faire faire aux hommes l’exercice
du canon et du fusil, forcément négligé depuis longtemps.
Tandis qu’on avançait ainsi lentement vers Valparaiso,
les poissons qui annoncent l ’approche des terres
commençaient à se montrer dans les eaux de la corvette.
C’est ainsi que, le 7 ju in , vers le soir, on aperçut
un banc immense de petits marsouins blancs , tachés
de noir sur le dos. Les poissôns innombrables qui se
trouvaient ainsi réunis, formaient à l’avant de la corvette
un fer à cb e v a l, qui avait un mille environ de
développement. Le lendemain on rencontra un nouveau
banc de marsouins, et bientôt après une troupe
de bonites, qui escortèrent nos voyageurs pendant
toute la matinée.