CHAPITRE III.
Terrains primordiaux de la Morée.
P a r MM. VIBLET e t BOBLAYE.
à Nous venons de voir que les îles étaient presque en totalité formées par les
Terrains agalysiens de M. Brongniart; la Morée, au contraire, appartient en grande
partie aux Terrains que le même auteur à nommés hémilysiens. On peut les diviser
en trois Groupes de Roches bien distincts.
Le premier, composé de Micaschistes, de Schistes argileux, de Quartzites et de
Calcaires, occupe peu d’espace dans le Péloponèse et peut être regardé comme une
formation équivalente à celle que nous avons vue constituer presque toutes les
îles de l’Archipel.
Le second, que nous désignerons sous le nom de" Groupe calcaréo- talqueux,
occupe au contraire une assez grande surface dans le pays; il est composé de Schistes
argileux, de Schistes talqueux, d’Anagénites, de Psammites scliistoïdes (Grauvvackes)
et d’une série de Marbres très-variés.
Enfin, le troisième est composé de Roches porphyroïdes et amygdalaires, se
rapportant à la classe des Terrains entritiques de M. Brongniart: elles sont toujours
accompagnées d’autres Roches d’agrégation ou de sédiment, formées en grande
partie des débris des Roches entritiques elles-mêmes. Malgré la différence d’origine,
ce Groupe se lie cependant si intimement au second par les Roches schisteuses,
dont il est presque toujours accompagné, qu’on peut les considérer comme passant
de lun a 1 autre, sans qu’on puisse, en beaucoup de cas, assigner leur véritable
limite.
Les Granités, les Gneiss, les Micaschistes et les Stéaschistes, qui forment la plupart
des îles de l’Archipel et y dessinent des chaînes dirigées du N.-O. au S.-E.,
et quelquefois du N.-N.-O. au S.-S.-E., n’apparaissent nulle part en Morée. D’un
autre coté, les Roches fragmentaires et arénacées, si communes dans les terrain*
de transition de la Bretagne, de la Normandie et d’une partie de l’Allemagne, ne
se montrent que rarement;dans le Second Groupe, et d’une manière peu prononcée,
pour passer bientôt aux Roches schisteuses; ce Groupe se distingue encore
des terrains hémilysiens des contrées que nous venons de citer, par l’abondance
des Calcaires-marbres et leur union constante avec les Roches magnésiennes :
caractères qui tendraient à le rapprocher de certains Terrains des Pyrénées et des
Alpes de la Tarentaise et du Valais, dont une partie, malgré la présence des Schistes
argileux, des Micaschistes et des Calcaires grenus, vient d’être classée dans les
Terrains secondaires.
En réunissant donc les deux derniers Groupes au premier, sous le nom de
Terrains. hémilysiens, nous avons voulu indiquer plutôt leur nature que leur
âge. Des découvertes postérieures pourront les porter plus haut dans la serie des
formations, sans qu’ils cessent pour celà,.jt raison de la nature cristalline de leurs.
Calcaires et même de quelques-unes de leurs Roches argileuses, d’appartenir à la
classe des Terrains hémilysiens sous le rapport minéralogique.
Ces rapprochemens ne reposent pas sur des -bases aussi solides que dans l’état
actuel de la science l’on serait' en droit de l’exiger : nous allons nous hâter d’en
faire connaître la causer Le temps n’est plus, ou, sur l’identité ou l’analogie des
Roches, ou même la présence de certaifiès espèces minérales, on osait prononcer
la contemporanéité des formations. Du. moment qu’on ne peut les lier par une
suite d’observations continues,;et les suivre» pour ainsi dire, pas a pas, les rapprochemens
qu’on établit ou sur l’analogie de composition, ou sur les caractères
palæonthologiques, ne doivent plus être regardés que comme des probabilités de
plus ou moins de valeur.
Après avoir essayé de soumettre l’écorce du globe à une loi uniforme de succession
dans les formations minérales, on a voulu que la yie organique suivît les
mêmes lois; que des générations nouvelles se fussent succédé, donnant par leurs
débris des échelles chronologiques comparables dans tous les lieux, comme si la
cause qui les avait détruites et renouvelées dans'une certaine région, eût dû
s’étendre au globe entier. La première de ces lois est depuis long-temps détruite;
la seconde trouve déjà de nombreux adversaires : quant aux soulèvemens dont on
a voulu aussi s’étayer pour établir la succession des formations, nous ne pensons
pas qu’ils puissent, jamais servir à déterminer leur âge; car ce n’est que par l’âge
déjà supposé connu des formations elles-mêmes, soit, à l’aide des fossile^, soit par
les superpositions, qu’on peut déterminer celui des soulèvemens. Ce serait suivre
un cercle vicieux, que de prétendre se servir de ceux-ci pour déterminer l’âge des
dépôts qu’ils affectent. Le .géologue qui veut procéder avec rigueur, doit donc,
autant que possible, s’attacher à la continuité des formations et à leur superposition,
et, à défaut de ces caractères, fonder des probabilités sur l’analogie des fossiles
comparés dans leur rapport numérique, et enfin, sur la comparaison minéralogique
des Roches , considérées dans leur ensemble.
Le premier moyen d’investigation nous manque tout-à-fàit dans l’étude des
Terrains primordiaux de la Grèce ; car la Turquie sépare encore la Grèce de
l’Europe, comme le ferait l’Océan.
Le second moyen nous manque également; aucun corps organisé fossile ne
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