Grèce éprouvèrent une grande inondation; et que le déluge d’Ogygès n’est pas
un fait fabuleux, mais la tradition d’un phénomène volcanique sous-marin.
ARTICLE V.
Modifications produites par l’action de Thomme.
L’action de l’homme, vu sa faiblesse et son origine récente, n’a, sans doute,
pu produire à la surface du globe des modifications comparables en grandeur à
celles de l’action puissante et prolongée des autres agens naturels; cependant, dirigée
sans cesse vers quelques buts constans, elle n’est pas sans importance comme
simple agent physique; en outre, si nous considérons ses effets, quelque faibles
qu’ils soient, comme manifestant pour la première fois l’action de l’intelligence et
de la volonté dans les produits géognostiques de la surface du globe, nous les
jugerons dignes de toute notre attention. C’est une ère nouvelle, celle de la pensée,
qui commence à l’apparition de l’homme, et dont les caractères, d’un ordre nouveau,
‘sont plus durables encore que ceux des époques antérieures. Pendant que
tous les êtres qui l’ont précédé, n’ont laissé que leurs débris, l’homme, par des
monumensindestructibles, transmettra à jamais, non-seulement les preuves de son
existence, mais encore les élémens de son histoire. Les catastrophes qui ont
bouleversé le globe, ont laissé subsister les empreintes des feuilles et des insectes
les plus fragiles; nos montagnes, nos mers, nos continens, peuvent donc encore
une fois changer de formes, sans que les ossemens et l’empreinte des diverses
races humaines, et les produits les plus délicats de leur industrie, soient anéantis.
Dans la Grèce une population nombreuse, pressée sur les rivages et dans des
vallées étroites, entasse, depuis plus de trente siècles, les débris de ses généraflions
et de leurs oeuvres sur le continent, et surtout dans les mers qui l’entourent;
pendant qu’à l’aide de ses forces multipliées par l’industrie et par une direction
constante, elle modifie la surface qu’elle habite.
La couche meuble et superficielle, remuée depuis tant de sièçles par la culture,
est devenue un véritable produit de l’homme. Partout où la terre végétale est
vierge, il règne, dans les parties qui la composent, un certain ordre de succession,
que la culture détruit sans cesse, en faisant des couches superficielles un
tout homogène. A ce seul caractère on peut reconnaître le sol où la charrue a
passé, du sol vierge de quelques-unes de nos forêts. Dans la Grèce, les débris de
céramique, et les ossemens d’hommes et d’animaux domestiques, sont si abondans
dans la terre végétale, qu’on peut regarder les premiers comme une de ses parties
constituantes, et les seconds,, comme ses fossiles caractéristiques.
• Une culture si prolongée a amené la dénudation des parties élevées; fléau
contre lequel nous avons vu lutter lapopulation industrieuse du Magne, et surtout
du canton de Zarnate, en élevant des terrasses qui retiennent sur les flancs des
pentes rapides les derniers restes de la terre végétale.
Cet effet de la culture dans les montagnes de la Grèce n’avait pas échappé
au topographe grec (Pausanias, Arc., chap. XXIV) qui, cependant, n’était rien
moins que naturaliste; il dit, en parlant des alluvions de l’Achéloüs: « Les îles
ti ■ Écbinades seraient déjà réunies au continent par l’effet des alluvions de l’Aché-
« loüs, si les Ætoliens étaient restés dans leur pays; mais comme ils ont été
a forcés de le quitter et qu’il est demeuré inculte, l’Aehéloüs a cessé de charier
« autant de limon, etc. ”
Sans accorder d’aussi grands effets à cette cause, nous devons reconnaître son
existence et par suite prévoir que les dépôts des golfes de la Morée ont dû
recevoir une quantité beaucoup plus grande de troubles ou de terre rouge
depuis l’époque de l’homme, que dans tout le reste de la période actuelle.
L’homme a trouvé dans le feu un auxiliaire puissant pour hâter la destruction
de la végétation dans les parties élevées; un usage barbare, sans doute proscrit
lorsque la Grèce était plus civilisée, mais pratiqué depuis un grand nombre de
siècles, consiste à incendier les forêts et les bois taillis des montagnes. Nous avons
vu, sur le mont Lycée, les bergers incendier des forêts de chênes, création de
plusieurs siècles, pour donner des pâturages aux chèvres, ou semer un peu
d’orge sur un sol bientôt dépouillé. Aujourd’hui, que les forêts ont disparu, ils
s’attaquent aux arbustes qui couvrent encore une partie des montagnes : on les
brûle périodiquement à certains intervalles, pour donner des pousses nouvelles
aux troupeaux. Ce procédé ne tarde pas à détruire entièrement les souches; la
terre, devenue sèche et friable, est entraînée par les pluies d’hiver, et il ne reste
plus qu’un rocher entièrement nu. Tel est l’état des montagnes d’une grande
partie de la Grèce, et surtout de l’Argolide, de l’Attique et de la Laconie, où
la végétation la plus riche n’a pu lutter contre l’action destructive de l’homme.
On peut dire qu’il n’est pas de place où le feu n’ait passé cent fois, et la surface
des rochers en montre partout la preuve : les Calcaires sont devenus ternes,
friables, et se détachent en écailles ou en plaques courbes. Dans les montagnes
schisteuses du Lycovouno les Quartz hyalins sont devenus laiteux et fendillés, et
les Schistes rougeâtres à leur surface.
Le résultat immédiat de la destruction de ces forêts et de la terre végétale,
est de tarir les sources et les puits des vallées : ainsi nous avons entendu les
Albanais des vallées de Kelly et d’Angélo-Castro dans l’Argolide, se plaindre de
la disparition de l’eau, depuis le temps où leurs ancêtres vinrent s’y établir ;