succession des dépôts analogues jusqu’à ceux qui se forment de nos jours. Il nous
eût été impossible de reconnaître et d’étudier cette succession, s’il ne s’était formé
plus tard des ouvertures ou souterraines ou extérieures, qui, donnant issue aux
eaux des bassins fermés, ont amené la dénudation du sol. Ces divers effets, formation
et destruction des dépôts terrestres, exigent la connaissance du singulier
Système hydrogéique de la Morée ou de la manière dont les eaux se rassemblent à
sa surface et parviennent à la mer; étude préliminaire, qui nous donnera en même
temps l’explication la plus générale' et la plus naturelle de la formation des cavernes
et de leurs dépôts ossifères.
Régime des eaux atmosphériques.
En Morée, comme sur une grande partie du littoral de la Méditerranée, l’année
se divise en deux saisons bien tranchées : celle des pluies, dont la durée est de
quatre à cinq mois, et celle de 1$.sécheresse; observation importante pour l’étude
de tous les dépôts récens. On ne peut pas estimer à moins d’un mètre la quantité
annuelle de pluie, particulièrement sur les versans du sud et de l’ouest; une partie
de cette énorme masse d’eau se rend directement à la mer, par les pentes et les lits
torrentiels, avec une rapidité qu’augmente encore la dénudation des montagnes; le
surplus pénètre par les fissures dont le Calcaire secondaire est traversé, ou se
rassemble dans les hauts bassins fermés de l’intérieur, et devient dans les deux cas
laliment de •véritables fleuves souterrains.
Bassins fermés. La division du sol en bassins fermés n’appartient pas seulement
au Péloponèse; on la retrouve dans la Grèce entière, dans l’Italie, dans la France
méridionale, dans une partie de la péninsule Ibérique, dans !Asie*:mineure, la
Syrie, dans les provinces méridionales de la Perse ; en un mot, dans toute la bande
où régnent les formations secondaires du bassin du Midi.
Dans tout le reste de, l’Europe, les eaux soumises à un petit nombre de plans
de pente généraux se lient avec régularité depuis les faîtes des continens jusqu’à'
la mer, ou se ramifient autour de quelques troncs principaux. Dans les pays de
plaine, les vallées se montrent soumises aux mêmes lois : leur largeur croît progressivement
dans chacune d’elles et depuis les rameaux supérieurs jusqu’aux vallées
inférieures. Il résulta de ces dernières observations que les géographes, influencés
par la vue des formes qui leur étaient mieux connues et par l’idée systématique du
creusement des vallées par les ^aux, regardèrent la disposition régulière comme loi
générale et l’autre comme un simple accident. Cependant, si la régularité du réseau
hydrographique et l’-accroissement progressif des vallées existaient dans les pays de
plaine, tels que l’érosion des eaux courantes aurait pu les produire, il n’en était
plus ainsi dans les pays de montagnes, où l’on devait reconnaître des bassins étagés
réunis par des fentes, comme dans toute la zone du Midi. Mais la préoccupation
des idées systématiques était telle qu’on ne les voyait pas et qu’ils disparaissaient
même sur les cartes topographiques qui, on doit le dire, sont encore aujourd’hui
soumises à une exécution conventionnelle, dérivée de ces mêmes inductions hydrographiques.
C’est au géologue qu’il appartient de signaler ces erreurs; familiarisé
avec les effets des dislocations que l’écorce terrestre a éprouvées dans des directions
variées, il doit penser que la disposition en bassins ou fermés ou ne communiquant
que par de simples gorges, dut être plus générale que la précédente, et que l’établissement
régulier du régime des eaux et de l’enchaînement des vallées est l’effet, dans
les plaines, de l’absence de dislocations récentes, et dans les montagnes, l’effet des
modifications lentes des* formes primitives. Néanmoins il se demandera comment
ces modifications, qui, dans les^Terrains soulevés et fracturés de la France, de
l’Angleterre, de la Suède et de l’Allemagne, ont conduit toutes les eaux de bassin
en bassin depuis le* faîte des continens jusqu’aux mers, n’ont pas produit le même
effet dans la bande méridionale, où le centre des îles et du continent est resté
divisé en bassins sans issue et sans liaison ?
Deux causes, l’une météorologique et l’autre géognostique, doivent contribuer
à ce phénomène, et nous pensons que la seconde est seule applicable aux bassins
fermés du nord de la Méditerranée. Pour qu’un bassin sans issue souterraine puisse
se maintenir isolé des vallées inférieures, il faut qu’il y ait équilibre entre la quantité
d’eau tombée et celle évaporée dans toute l’étendue du bassin , ou excès de cette
dernière ; condition qui est loin de pouvoir exister dans là majeure partie de l’Europe
et que nous prouverons n’être pas applicable même à la Grèce. On conçoit
dès-lors comment, indépendamment du transport continu des alluvions, l’exhaussement
progressif des eaux a amené la communication des bassins fermés avec les
vallées inférieures, telle qu’elle existe dans presque toute l’Europe; tandis que plus
au sud et à l’est les causes météorologiques maintiennent l’équilibre dans les eaux
de la mer Caspienne et d’autres lacs fermés de l’Asie, et que plus aü sud encore de
nombreuses mers intérieures diminuent progressivement ou même ont déjà disparu.
, Dans la Morée, au contraire, le lac Phonia, qui n’était qu’un marais en 1814 et
qui aujourd’hui a acquis une profondeur de 4° à 5o mètres, malgré la très-petite
étendue de son bassin orographique, montre combien les conditions d’équilibre
dont nous avons parlé sont loin d’être admissibles, du moins dans la région montagneuse.
Les pentes des divers bassins fermés sont si rapides et si dénudées, que les
eaux pluviales affluent presque en totalité au réceptacle, en sorte-qu’il faudrait pour
l’équilibre que la quantité d’eau évaporée à sa surface fût à peu près égale à autant
de fois la quantité d’eau tombée.que la surface du bassin contient celle du réceptacle,,
ce qui n’est pas admissible.