La partie de l’île qui ne se compose pas de déjections provenues du cratère,
consiste principalement, comme une partie de Palæo-Kaymméni, en Obsidienne
trachytique brunâtre, smalloïde ? à surfaces scoriacées, et en Porphyre trachytique
bleuâtre et lithoïde, à structure très-imparfaitement schisteuse et contenant aussi du
murjate de Soude. Lêt matières vomies par le cratère se composent de cendres, de
fragmens de Tfachytes, de Scories, de Pumite, et particulièrement d’Obsidienne
trachytique d’un gris verdâtre, quelquefois scoriacée, résinoïde et ressemblant à
certains Pechstein ; d’Ôbsidignne porphyroide noire ; à éclat résineux, en blocs
souvent assez gros., Ces Roches sont identiques avec les variétés qu’on trouve à la
Nouvelle-Kaymméni/ et il esit même probable qu’une partie des fragmens dont la
Petite-Kaymméni se trouve jonchée, provinssent de la Nouvelle, laquelle est si
rapprochée que, lorsqu’elle se forma, l’autre fut constamment couverte par les
éjections des matières enflammées que lançait avec violence le nouveau cratère.
É ruption de i 65q. La plupart des auteurs qui ont parlé des phénomènes
volcaniques de Santorin, paraissent n’avoir eu aucune connaissance de l’éruption
sous-iAarin® qui eut lieu en i 65o en dehors du golfe, où sont les Kaymméni ; du
moins ils n’en ont fait aucune mention-, quoiqu’elle ait été rappor téeavéc beaucoup
de détails par le père-Richard dans sa Relation de Pile de Santerini. Cet événement
est trop intéressant pour'l’histoire des phénomènes-volcaniques dont nous nous
pccuponsf. pour que nous puissions nous’dispenser de reproduire ici les principales
circonstances dont le bon missionnaire a conservées détails.
Vers/le commencement du mois de Mars i 65o, tout Santorin fui éWanlé par
deux secoüssçs de tremblement de terre qui endommagèrent un grand nombre de
misons, pendant que dans l’intérieur du;golfe beaucoup de rochers se détachèrent
et roulèrent avec fracas dansvla mer. Le >4 Septembre d’autres tremblemens de
terre,'accompagnés de très-forts mugissemens souterrains qui furent presque continus,
se firent dèmouveati sentir, et leur intensité augmentant chaque jour, tout
l’Archipel en fut bientôt ébranlé. Le 2y on^vit à trois ou quatre milles au nord de
Santorin, dans la direction d’Andros et dans un endroit où plusieurs jours auparavant
on avait vu les eaux devenir blanchâtres et jaunâtres, sortir à plusieurs reprises
des flammes accompagnées de nuages d’une fumée épaisse et infecte. Ces, phénomènes
allèrent toujours croissant jusqu’au 29, où ils furent plus yiolens qu’ils
n’avaient jamais étéj les détonations et les secousses se succédaient avec rapiditéj
la mer mugissante était dans une agitation continuelle. Ce fut alors.que le volcan
commença ses éruptions ; une grande quantité de matières incohérentes, accompagnées
; de tourbillons de flammes et de fumée qui embrasaient ‘et' obscurcissaient .
tour à tour l’air , sillonné par les tonnerres et les éclairs qui éclataient-de toutes
parts, furent lancées à de très-grandes distances. Le père Richard, témoin oculaire,
prétend qu’il y eut de très-gros rochers projetés à plus de deux lieues de distance
et qu’il en vit sur la surface de Santorin que plusieurs hommes n’auraient pu remuer.
C’est très - probablement à cette éruption qu’on doit attribuer l’existence des gros
blocs amorphes de Porphyre trachytique rouge, que M. le colonel Bory de Saint-
"Vincent a1 trouvés dispersés et à demi enterrés dans le conglomérat blanc sur les
plages opposées au théâtre dej’événement, et qui sont peut-être ceuÿ-là même qu’y
vit lancer le père Richard.
Ce vacarme des élémens fut si épouvantable, s’il faut en croire ce qu’on en
rapporte, qu’il s’entendit à plus de cent lieues. Suivant Thévenart1, les détonations
furent distinguées jusque dans d’île de Scio, éloignée de cenfe*vingt milles, où les
habitans crurent que les flottes turque et vénitienne se livraient un grand combat.
Cette circonstance semblerait confirmer l’idée où l’on est qu’une grande partie des
détonations qui accompagnent ordinairement les phénomènes volcaniques, ont lie.u
dans les hautes régions de l’atmosphère, où il se produit un tel développement
d’électricité, qu’on l’entend éclater de toutes.parts, en sillonnant les airs d’éclairs
redoublés. Les cendres rejetées par le volcan furent transportées jusque dans la
Natolie et à Palatia ; elles y couvrirent les ruisseaux d’un enduit blanchâtre ; ce
qui, joint aux bruits entendus, fit préjuger aux bons Turcs que toutes les îles de
l’Archipel avaient été consumées par les feux du ciel.
Les vapeurs, la fumée et les gaz acides qui se dégageaient en cette circonstance,
ayant été«poussés par les vents sur Santorin, incommodèrent beaucoup les habitans
et les rendirent presque tous aveugles pendant plusieurs jours, avec des douleurs
cuisantes ; une cinquantaine de personnes, plus de deux mille animaux domestiques
et beaucoup d’oiseaux périrent asphyxiés, en même temps que tous les objets d’argent,
de cuivre et de plomb qui se trouvaient dans l’île furent noircisj ce qui dénote
que les gaz contenaient une certaine quantité d’acide Üyd rosulfuriqqe, auquel était
particulièrement due l’odeur méphitique qu’on ressentait. Pendant plus de trois mois
que durèrent ces éruptions, il y eut une telle quantité de Pierres ponces lancées,
que presque tous les rivages de la Méditerranée, même à de très-grandes distances,
en furent encombrés.
On pensait qu’après de telles commotions il naîtrait upe île nouvelle, ainsi que
cela avait eu lieu pour la Petite-Kaymméni soixante-dix-sept ans auparavant ; mais
il n’en fut rien : seulement le fond de la mer s’éleva beaucoup, et les sondages qui
furent faits ne donnèrent plus que dix brasses. On ajoute que la montagne de Méro-
vigli s’entr’ouvrit, qu’un grand nombre de maisons furent renversées et qu’à Naxie
des murs d’église s’écroulèrent. Le refoulement des eaux fut tel, que les vagues
i . Relation d’un voyage fait au Levant, in-4-°j i 664-
9 35