s’élevèrent à plus de cinquante pieds dans l’île de Nio, où l’on trouva ensuite les
rochers couverts de fragmens de Pierre ponce. Dans l’île de Sikino, qui en, est à
vingt milles, la mer s’avança à plus de trois cent cinquante pas dans l’intérieur;
enfin, elle rompit, sans être agitée par aucun vent, deux navires et plusieurs
barques dans le port-de Candie, qui est à plus de vingt-cinq lieues.
A Santorin. ¿les flots, franchissant leurs limites ordinaires, débordèrent sur les
plaines qui sont au nord-est, et y dépo|èrent beaucoup de poissons morts et de
pierres volcaniques, qui se trouvaient auparavant en telle quantité le long du
rivage, qu’elles permettaient à peine aux barques d’y aborder. Plus de trois cents
arpens de terre furent ravagés, cinq églises renversées, et deux villes, qui avaient
sans doute été ensevelies soüs les éjections incohérentes de quelque autre éruption
des temps-plus anciens, furent mises à découvert : l’une au midi et l’autre au septentrion
de la montagne de Saint-Étienne, au-dessous de l’ancienne forteresse d’Éleusis.
On y reconnut des églises construites en marbre, beaucoup de tombeaux creusés
dans la Roche et des restes de belles maisons. Si ces rapports sont exacts, ces traces
d’antiquités doivent avoir disparu de nouveau sous d’autres encombremens, puisqu’on
n’en retrouve plus aujourd’hui les moindres vestiges.
M. Dalenda di Gasparo, qui avait été témoin de l’apparition de la NoUvelle-
Raymméni en 1707, dit dans sa relation»qu’il existait encore des hommes dignes
de foi qui, à. l’époque de cet événemeût ayant déjà l ’âge de raison, se souvenaient
très-bien qu’en 1649 on éprouva, entre Nio, Andros et Santorin, des tremblemens
de terre si fréquens, que les habitans, livrés aux plus vives inquiétudes, furent près
d’abandonner ces trois îles. En i65o, ils virent dans la même direction sortir du
fond de la mer, avec un fracas épouvantable, des tourbillons de flammes et de
fumée; ils furent tellement effrayés des phénomènes que présentèrent ces éruptions
successives, qu’ils désignaient encore alors cette époque par ces mots sis rov kcciçov
rou Kcttiov (lors du temps.de la calamité).
Néo-K aymméni (Ngc-Kau/i//!^) ou Nouvelle-Brulée. La formation de cette
île commença en 1707 et dura jusqu’en 1711. Les pères Tarillon, Bourgnon, Gorée
et Bourguignon, jésuites, alors missionnaires dans le Levant et témoins d’une partie
des phénomènes qui ont signalé son apparition, en ont donné différentes relations
partielles, qui parurent dans les recueils du temps, tels que le Mercure et là Gazette
de France, les Lettres ¡édifiantes et les Transactions philosophiques, les Mémoires
de Trévoux et ceux de l’Académie des sciences, etc.; mais aucune description suffisante
n’eû a encore été faite. Nous avons cru en conséquence devoir compléter
l’histoire des Kaymméni, en résumant ce qu’il y a de substantiel dans ces différentes
relations, qui, bien qu’empreintes de ce ton d’emphase et d’exagération si naturel
à cette époque, n’en contiennent pas moins des détails intéressans dont ndus avons
été-ià. même de vérifier en partie l’exactitude.
Le 23 Mai 1707, au point du jour, entre les deux Kaymméni, mais beaucoup
plus près de la Petite, dans un lieu où la mer n’avait que huit brasses de profondeur
et où les pêcheurs de Santorin venaient jeter leurs filets, l’on aperçut une
masse blanche, de figure ronde, s’élever sans aucun bruit, avec un mouvement
sensible à la vue, mais inégal. L’apparition de ce nouvel écueil n’avait été précédée
par aucun des phénomènes ordinairement précurseurs de ces sortes d’événemens ;
seulement le 18 à midi on avait ressenti à Santorin deux légères secousses de tremblement
de terre. Quelques marins ayant d’abord pris cet écueil pour un navire
naufragé, s’en approchèrent; mais ils furent épouvantés et se hâtèrent de s’en éloigner,
quand ils eurent reconnu leur erreur. Cependant plusieurs jours s’étant passés
saris aucun accident, quelques habitans de Phira se hasardèrent a aller l’observer de
près : quand ils l’eurent bien reconnu, ils mirent pied à terre, et ne trouvèrent
partout, disent les relations du temps, qu’une pierre blanche, poreuse et tendre,
qui ressemblait parfaitement à de la mie de pain.
Cette description ne manquait pas d’une certaine exaciitudè.et convènait très-bien
à la Roche qui d’abor.dvforma cet écueil; c’était une Pumite ou Pierre ponce d’un
gris-blanc assez clair, très-spongieuse et remarquable par sa légèreté. Cette masse,
qu’on peut encore observer^aujourd’hui, bièn qu’elle ait été en partie recouverte
postérieurement, s’élève à trente ou quarante pieds ai£dessus du niveau de la mer :
en la considérant dans son ensemble, elle présente l’aspect d’une Brèche à gros
fragmens; mais en l’examinant avec attention, l’on voit que cette apparenee est due
à son mode de formation, qui a eu lieu, à n’en pouvoir douter, par une espèce
de suintement de la Lave, mélangée d’une grande quantité de gaz, et à mesure que
la Lave comprimée sortait par des ouvertures étroitës, elle se boursouflait et tournait
en quelque sorte sur elle-même, à la manière des substances résineuses; ce
mode de formation de la Pierre ponce et l’apparence brécho'jde que nous y avons
remarquée, expliquent très-bien le mouvement sensible, mais inégal, qu’elle paraît
avoir durant sa formation, et rend parfaitement compte de l’apparition sans bruit
et sans commotion de cet écueil. Il est extrêmement probable qu’elle commença à
se former après les secousses du 18, et que ces boursouflures successivement accrues
par une sortie lente de la Lave n’apparurent à la surface de l’eau que le 23 ; cette
origine explique aussi pourquoi cette masse si légère, au lieu d’être enlevée par les
eaux, est toujours restée adhérente.
Leé personnes qui «osèrent alors visiter l’écueil, furent surtout étonnées d’y
trouver des Huîtres, des Oursins et d’autres produits marins encore attachés aux
rochers récemment soulevés; comme elles étaient occupées à en ramasser, elles