Nous devons conclure de ce qui précède, que l’existence de tous ces bassins
fermés de la Grèce, bassins de-Mantinée, d’Orchomène, de Stymphale, de Copaïs
en Béotie, etc., la plupart sans eaux permanentes et sans communication extérieure,
dépend de causes autres que les influences.atmosphériques, et que la nature du sol
peut seule nous en rendre compte. Nous remarquerons d’abord que les Calcaires
compactes qui forment l’enceinte de ces bassins fermés ne produisent de matériaux
détritiques ou alluviens qu’en beaucoup moindre quantité, et d’une nature toujours
plus perméable que les Roches des Terrains secondaires et tertiaires, et même*qué'
les Schistes et autres Roches anciennes du nordrde l’Europe, d’où il résulte que le
comblement des cavités a dû être moins rapide, et que les infiltrations doivent
faciliter l’action de l’écoulement souterrain, qui est la véritable cause du phénomène.
Gouffres ou chasma. Dans chaque bassin fermé il existe un ou plusieurs gouffres
dans lesquels se dégorgent les lacs et se perdent les eaux des torrens; on les désigne
aujourd’hui dans toute la Grèce sous le nom de kaiavoihra; les anciens les nommaient
‘zerelhra et chasma1. Ils sont situés en général au pied des montagnes qui
forment l’enceinte des bassins, et on reconnaît toujours, dans les rochers qui les
surmontent, des fentes ouvertes, des fractures et souvent un désordre complet dans
la stratification ; ils correspondent ordinairement à des cols et quelquefois * mais
plus rarement, à des relèvemens de la chaîne. Lorsque l’ouverture se présente au
milieu de la plaine, comme àKavaros (Pyrrhichus) dans la presqu’île duTénare,
et à Tripolitsa, on ne la reconnaît, en été, qu’à un dépôt rougeâtre tout crevassé;
mais lorsqu’elle est située dans les rochers au pied des montagnes, elle est souvent
assez spacieuse pour qu’on puisse y pénétrer : tels sont les gouffres du lac Stymphale,
du lac Copaïs et celui de Tsipiana prèsMantinée, dans l’intérieur duquel
On a construit Un moulin pour profiter de la chute d’eau. On y reconnaît alors des
chambres à parois lisses, des couloirs étroits et des lacs qui sont une ressource pour
les bergers sur les plateaux arides de la Tzakonie (près de Saint-Rhéondas^./
L’existencé des fentes et des cavités, cause du dessèchement des bassins fermés,
résulte de la dureté et en même temps de la fragilité du Calcaire compacte, qui,
lors des dislocations du sol, s’est brisé sans tassement et sans affaissement, et a laissé
de nombreux vides et des débris sans cohésion. Mais ven outre, une circonstance
qui a favorisé l’agrandissement .des fentes" et leur passage à l’état de cavernes de déblaiement
plutôt que d'érosion, est la présence, au-dessous du Calcaire, d’un grand
Système.arénacé sans cohésion (Grès vert), que les eaux entraînent,avec facilité.
La plupart de ces gouffres étant insuffisans. pour donner passage à la totalité des
i . Nous'pensons que ce dernier nom, qui déjà appartient à la langue anglaise avec la .mcme
signification, est à introduire dans notre nomenclature de géographie naturelle.
eaux de la saison pluvieuse, il se forme des lacs autour de leur ouverture; le sol
s’exhausse par les alluvions, et les torrens ne peuvent bientôt plus y entraîner que
des Sables, des troubles et des débris végétaux et animaux susceptibles de flotter:
tel est et tel sera à l’avenir le régime de tous, lés torrens de la plaine de Tripolitsa;
pas un caillou roulé n’est entraîné dans les cavernes, et c’est une période que l’on
doit observer dans les dépôts des cavernes à ossemens.
En été, les lacs se dessèchent plus ou moins complètement, et leur sol rougeâtre
fait reconnaître l’emplacement des chasma. C’est alors que pendant sept mois leur
entrée, presque toujours masquée-par la végétation vigoureuse qu’y entretient l’humidité,
devient la retraite des Renards et des Chacals, qui y entraînent leur proie, et
dans quelques localités un refuge pendant la chaleur pour les bergers et leurs troupeaux.
Nous avons vu, avec M. le colonel Bory, sur l’ouverture étroite de l’un de
ces gouffres, un squelette entier de Cheval que les Chacals avaient dépouillé sans
pouvoir l’y fàire pénétrer ; les ossemens portaient la trace de leurs dents et áúront
bientôt .après pris place au milieu des dépôts limoneux, des ossemens roulés et des
squelettes intacts des-animaux que les grandes pluies de l’automne doivent souvent
y surprendre. On voit par là que dans les contrées alternativement sèches et pluvieuses,
les cavernes peuvent être alternativement la retraite des carnassiers et le
passage des eaux torrentielles, et que les causes exclusives par lesquelles on voulait
expliquer la présence des ossemens dans les cavernes, sont aussi fausses dans ce cas
qu’elles le sont dans la plupart des phénomènes naturels.
L’obstruction des dégorgeoirs souterrains est un phénomène fréquent, souvent
observé par les ¿Grecs dans l’antiquité comme de nos jours, et qui leur a permis
de déterminer l’issue des eaux souterraines de plusieurs bassins fermés. C’estïainsi
qu’ils avaient reconnu que les eaux du lac.Copaïs débouchaient près de la mer
aux environs de Larymna; que celles du lac Stymphale formaient l’Érasinus; que
les eaux du lac Phonia formaient les belles sources du Lad on au-dessous de Lycouria;
que celles de la plaine Argos près Mantinée donnaient naissance au fleuve sous-
marin de Dine oui de YAnayoîo, qui sort en bouillonnant à 3oo ou 400 mètres du
rivage d’Astros.
Dans ce moment, le bassin de Phonia nous offre le phénomène de l’obstruction
des gouffres d’une manière très-remarquable. Drama-Ali, le dernier des beys de
Corinthe, avait fait placer des grilles aux trois ouvertures pour prévenir leur obstruction
par les troncs d’arbres qui y .sont entraînés; elles furent enlevées au commencement
de la révolution grecque, et une riche plaine fut bientôt convertie en
un lac dont la profondeur.a déjà atteint 40 à 5o mètres et le diamètre 8000 mètres.
Il y a près d’un siècle, les eaux s’élevèrent à une hauteur beaucoup plus grande;
on voit dans tout le contour du lac, à plus de 200 mètres de son niveau actuel,
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