nous nous sommes naturellement demandé si ce ne serait pas là qu’il faudrait âller
chercher l’explication de l’origine mythologique de l’île de Délos.
Nous ne devons pas quitter Mycone sans citer un fait qui lui est, au reste,
commun avec beaucoup d’autres îles de la Grèce et de l’Asie mineure, et déjà
signalé dans la description de la baie de Navarin (voyez la Relation, page i 38) :
c’est que les plages y sont couvertes, presque partout, d’une assez grande quantité
de petits fragmens roulés de Pierres Ponces, résultant sans aucun doute d’éruptions
volcaniques sous-marines, et que les vagues transportent ensuite sur tout le
littoral de la Méditerranée.
V. DÉLOS (A^Aoî ). L’île de Délos, Dili, comme disent les Grées modernes, bien
que la plus petite de toutes les îles dites Cyclades, n’en fut cependant pas moins
la plus fameuse dès la plus haute antiquité; elle n’a guère que six ou sept milles
de tour, et n’est séparée du cap Alogomandra de Mycone, que par un canal de
trois milles de large, au milieu duquel se trouvent plusieurs écueils, entre lesquels
se remarquent les deux petites îles de Prasonisi.
La constitution géologique de Délos est à peu près celle de Mycone, c’est-à-
dire qu’elle est presque entièrement'granitique : on y trouve aussi la Syénite por-
phyroïde, qui forme en partie le mont Cynthus, sorte de cône d’à peine 87 mètres
d’élévation, que les habitans désignent aujourd’hui sous le nom de Kastro. Cette
Syénite, d’un gris rougeâtre ou jaunâtre, renferme avec de l’Amphibole noire aussi
du Mica noir; sur quelques points l’Amphibole y devient tout-à-fait prédominante:
elle contient alors de grands cristaux de Feldspath, avec du Quartz et souverit des
cristaux de Sphène. L’on rencontre aussi au pied du Cynthus,-où il existe d’anciennes
carrières, une Syénite rose, puis du Granité syénitique et du Granité gris
à petits grains passant aux Gneiss; on trouve parmi ceux-ci une variété rose,
remarquable par de grâhdes écailles de Mica à éclat d’Acier, du plus bel effet. Ces
Gneiss contiennent aussi quelques amas d’Amphibole, passent à la Protogine syénitique,
comme à Mycone, et à des Micaschistes gris-noirs, au milieu desquels se
trouvent des zones de Pegmatite blanche, qui les traverse également en filons; on
retrouve cette Pegmatite en zones et en filons dans les Micaschistes et Gneiss qui
constituent les deux petits îlots d’Apano-Rématiari et de Kato-Rématiari, situés
dans le canal que forment les deux Délos. Là on voit aussi les Micaschistes devenir
très-quartzeux, presque bacillaires, et passer à un Gneiss leptynoïde, qui alterne avec
des zones d’une très-belle Pegmatite blanche, renfermant des noyaux ou amas de
Tourmaline noire, qu’on retrouve également dans l’île de Délos.
Les anciens, qui avaient cru qu’une partie des îles de l’Archipel grec Se groupaient
eu cercle autour d’un point central, leur avaient dpnné le nom de Cyclades
(de KweAo?, cercle), et ils considéraient Délos comme le point central de ces
Cyclades. Ils se trompaient en cela comme en beaucoup d’autres choses : Délos ne
saurait être prise pour centre d’aucun amas d’îles; Syra tout au plus pouvait être
considérée comme l’île centrale,..mais Apollon et Diane 11’y avaient pas vu le jour.
Les habitans n’en avaient point été changés en grenouilles pour s etre moqués des
couches de Latone; en un mot, aucune superstition ne se rattachait à l’origine de
Syra, qu’on ne faisait point flotter au sein des mers, ou surgir tout à coup de leurs
abymes. On a tant parlé dans la fable de cette apparition subite de Délos, que
plusieurs auteurs modernes ont cru qu’elle était due à quelque éruption volcanique.
Si l’on devait y voir la tradition d’une apparition toute récente, ou d’un accroissement
en hauteur et en longueur, une telle révolution n’aurait pu avoir lieu
qu’à l’époque du soulèvement de la presqu’île d’Anavolousa ; et en effet, c’est vers
Délos que se relève le Grès tout moderne que nous avons décrit tout à l’heure
(voyez p. 57, et la fig. 3, planche IX, 2.® série). Nous n’avons, au reste, remarqué
dans l’île de Délos, ni dépôt très-récent ni fossiles, qui auraient pu donner l’idée
d’un séjour au fond des mers, comme il est arrivé pour beaucoup d’autres localités.
On n’y trouve même pas le Grès de Mycone, qui, pour nous, est le témoignage
d’un soulèvement récent sur un point si voisin de Délos; soulèvement qui, à la
vérité, n’aurait pu avoir heu sans se faire sentir fortement dans cette dernière
île. Il serait donc possible qu’avant l’apparition de Délos, si cette apparition fût
réelle, le Cynthus n’ait été qu’un bas-fond ou quelque écueil à fleur d’eau, qui,
se montrant ou se cachant sous les vagues, selon que celles-ci étaient ou non
agitées, n’en serait sorti plus tard définitivement que par suite de ce soulèvement
récent
VI. RHÉNÉE ou LA GRANDE DÉLOS ('prjvt], tyvstcc). Les Grecs modernes la
désignent presque toujours, avec Délos, sous le nom de Sdili, qui veut dire les deux
Délos. Cette île servait dans l’antiquité de nécropole à la petite Délos; elle est au
moins quatre fois aussi grande que celle-ci;, a de dix-huit à vingt milles de tour, et
est divisée en deux parties bien distinctes, réunies par une simple langue de terre
assez étroite; cette sorte d’isthme est formée de sables et graviers, comme celle qui
réunit la presqu’île d’Anavolousa à Mycone. Le tout forme un croissant qui sert
de port, et que protège la petite Rématiari. Les deux Délos dessinent en outre une
autre espèce de port ou de mouillage, accessible pour tous les bâtimens seulement
vers la partie septentrionale. Au sud, ces îles ne sont séparées que par un canal
fort étroit, d’un demi-mille au plus, que divisent encore les deux écueils de Rématiari
, canal où les caïques seuls peuvent passer. La grande Délos offre absolument
les mêmes variétés de Roches que la petite, et on y trouve de plus une Syénite