relises que la mer recouvrait dans ce moment. Noug voyions au-dessus de notre
tête lès-.couches du Calcaire en appui sur les Trachytes altérés, lorsque la nuit
et. le danger où se^trouvaient nos marins, que la tempête avait déjà failli perdre
à plusieurs reprises, nous obligea d’ahandonner nos observations et d’aller chercher
un abri derrière les rochers d’Ankistry.
Le lendemain nous essayâmes en vain d’aborder cette côte dangereuse, et il
fallut y renoncer, après nous en être approché assez près pour reconnaître que
les Calcaires secondaires recouvrent une grande partie du. rivage, et que des bancs
horizontaux, formés ou de Scories, ou de Rapillis trachy tiques, forment des caps
bas au pied.des escarpemens de Trachytes.
D’après ce qui m’a été dit par M. le capitaine Vaudrimey,, auquel nous devons
la topographie de la presqu’île, l’action volcanique aurait eu pour principal
foyer la gorge de Kayménokhorio, dont tout le contour est revêtu de Rapillis
noirâtres, d’une origine récente, et c’est de là que proviendraient ceux que nous
avons trouvés sur le rivage, et non du foyer que la source thermale et les altérations
du. Trachy te annoncent seules dans cette dernière localité; en sorte que
le centre de Faction récente aurait été placé dans l’intérieur de l’île, et non près
des. sources sulfureuses du rivage. Telle est en effet l’opinion que l’on doit concevoir,
d’après le récit .qu’Ovide nous a laissé de ce phénomène, qu’il décrit en
naturaliste encore plus qu’en poète.1
U est à remarquer qu’Ovide ne parle ni de coulées de Laves, ni d’éjections
de matières incandescentes, qui eussent ajouté à la poésie de sa description; mais
d’un simple soulèvement, tel que celui du Jorullo, qu’il caractérise de la'inanière
la plus heüreuse exteniam tumefecit humum. L’omissiou de ces circonstances les
plus poétiques ne doit pas être sans dessein, et ce phénomène volcanique avait
sans doute à ses yeux des caractères particuliers.
i . Est prope Pitlheam tumulus Troezena, sine ulfis
Arduus arboribus ; quondam planissima campi
Area, nunc tumulus : nam, res horrenda relatu,
Vis fera ventorum , cæcis inclusa cavernis,
Expirare aliqua cupiens, hictataque frustra
g Liberiore frui coelo , cum carcere rima
Nul la foret toto, nec pervia flatibus esset,
Extentam tumefecit humum; ceu spiritus oris
Tendere vesicam solet aut direpta Bicorni
Terga capro. Tumor ille loco permansit; et alti
Collis habet specicm longoque induruit æyo.
(Oyid. Metamorpb., lib.XV, cap. vi.)
Strabon, au contraire, semble indiquer la formation d’un pic volcanique par
des éjections incohérentes, tel que celui de l’île Julia:
« Près de Méthana on a vu s’élever, par une éruption de matières enflammées,
« une montagne de feu, haute de sept stades, inaccessible durant le jour, tant à
« cause de sa chaleur que de son odeur sulfureuse; elle répandait une chaleur
« si forte, qu’à cinq stades de distance la mer en bouillonnait; jusqu’à vingt
« stades les eaux étaient troubles et bourbeuses: tout cet espace fut presque comblé
« par des éclats de rocher aussi gros que'des tours. «
Toute cette description peut s’appliquer aux phénomènes sous-marins de l’île
Julia : c’est un pic de sept stades, formé de matières incohérentes, que l’on doit
supposer avoir disparu, si la description de Strabon est exacte. Dans cette hypothèse,
la bouche ignivome aurait été très-près du rivage où sont aujourd’hui les
sources thermales; les couches de Rapillis noires et rouges, que nous avons
signalées sur le cap nord-ouest, seraient les débris du cône, qui aurait eu le sort
de l’île'Julia, malgré l’élévation énorme de sept stades (m o ou 1296 mètres,
suivant le stade employé).
Pausanias, qui visita Méthana plus d’un siècle après Strabon, ne nous parle pas
d’élévation de montagnes volcaniques ; il se borne à dire : « qu’à environ trente
« stades de la ville sont des bains chauds; que l’eau n’y parut, à ce qu’on dit,
« que sous le règne d’Antigone, fils de Démétrius, roi de Macédoine; qu’elle ne
« parut pas tout à coup, mais qu’on aperçut d’abord un grand feu, qui fit en
« quelque sorte bouillonner la terre; il s’éteignit, et l’on vit couler une eau
« chaude ^extrêmement salée, qui coule encore maintenant1 « Ne pourrait-on
pas penser, en lisant ce passage de Pausanias, que déjà à l’époque de son voyage
le cône1 avait disparu, et que des eaux thermales occupaient sa place?
Ainsi, faute d’observations suffisantes, nous restons dans l’incertitude entre deux
opinions: soulèvement de la partie nord de Méthana, avec éjections par les fentes
de matières incandescentes, de gaz et d’eaux sulfureuses; ou formation sur le rivage
septentrional d’un cône de Scories, qui aurait entièrement disparu. Peut - être,
cependant, en visitant l’intérieur de l’île, près du Kayménokhorio, trouverait-on
les diverses circonstances que décrit Strabon, ou la formation d’un cône de débris,
réunie aux preuves d’un soulèvement du sol. Cependant cette dernière hypothèse,
à laquelle nous nous étions d’abord arrêté, nous paraît aujourd’hui peu probable,
et entre autres faits qui la combattent, nous citerons l’existence de ruines au pic
des citernes, à moins de i 5oo mètres delà gorge du Kayménokhorio; ruines d’une
époque antérieure au phénomène, ainsi que celles du Palaeokastro hellénique, situé
près de l’isthme.
1. Paus., Corinth., chap. XXXIV.
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