300 TERRAIN TRACHYTIQUE
en raison de ces mêmes affinités et quand elles se sont trouvées dans les circonstances
favorables, se réunir et former des cristaux au'milieu de la masse, surtout
si' celle-ci se trouvait amenée à un certain état de mollesse par la combinaison des
actions chimiques avec un grand développement de chaleur. Les récentes et belles
découvertes de M. Becquerel en électro-chimie, et les applications ingénieuses qu’il
vient d’en faire à la géologie, tendraient à prouver que même le concours de la
chaleur ne serait pas toujours nécessaire1, quoique ce concours^doive tendre à
augmenter singulièrement les actions galvaniques, pour expliquer les transformations
de Roches fragmentaires en des Roches soit compactes et homogènes, soit
Cristallines, et auxquelles on peut donner aussi bien le nom de Roches ignées qu’aux
Basaltes, aux Trachytes,"aux Porphyres, etc. Ces transmutations d’une Roche en
une autre sont trop évidentes à Milo et à Cimolis, pour pouvoir les révoquer en
doute; on peut y suivre'tdutes les gradations des passages horizontaux et insensibles
qui existent entre les parues les moins altérées de-certaines Roches et celles qui
l’ont été le plus. Ces changemens, sans avoir recours aux phénomènes électro-
ehimiques, qui très-probablement ont joué un grand rôle dans toutes les actions
volcaniques, seraient difficiles à concevoir- sans le concours de l’eau, du Muriate
de Soude et de la chaleur rouge; or, nous savons maintenant, d’après les belles
expériences - de M. Boussingauït et celles de quelques .autres chimistes , sur la
nature des fluides élastiques qui se dégagent des volcans, qu’ils contiennent tous
une assez grande proportion de vapeurs d’eau;- et nous avons vu précédemment
que toutes les Roches, tant de Cimolis que de Milo, étaient imprégnées d’une certaine
quantité de Muriate de Soude,:qui y avait probablement été, amené par ces
mêmes fluides élastiques, auxquels elles dbivent^en partie leur modification, et
quelles avaient successivement été portées à une très-haute température par l’actioih
des feux intérieurs, en sorte qu’elles remplissaient toutes les conditions nécessaires
aux changemens qu’elles ont éprouvés.
Ces faits de transmutation, qui dès le premier voyage que nous avons fait à
Milo, nous avaient frappé , nous ont paru ensuite de la plus grande évidence lorsque
nous sommes revenu sur les lieux, et ont fait naître en'hqusvune opinion
que d’autres faits sont venus plus tard confirmer; savoir que certains Porphyres
et-certains Trachytes ont pu se former en place, par suite d’actions chimiques, et
électro-chimiques, sur des Roches d’agr.égation mécanique; et préexistantes.
A l’appui de .cette opinion, nous ne croyons-pouvoir mieux faire que de signaler
un fait très-remarquable, que nous avons eu occasion d’observer à Imbros, Tune
i. Ce sayant physicien yieijt de prouver par des faits que, par de seules actions électro-chimiques,
lés molécules de certaindjfsubstances minérales pouvaient se déplacer à la température ordir
nairç, pour fprmey ensuite d’autres combinaisons.
des îles de la Thrace. Il existe dans une partie; de'cette île une formatior^assez-
puissante, composée de couches multipliées'd’Arkose' ou Grès jaunâtre feldspa-
thique, assez grossier.* Ce Grès-y a été transformé sur quelques points en Porphyre
trachytique très-bien caractérisé, par l’effet dé la grande chaleur et des; actions
.chimiques auxquelles il paraît avoir été soumis à une époque peut-être^tres-peu
éloignée. En quittant la partie du terrain encore intacte, pour se diriger;;Vers les
points modifiée, on-Vôït l’Arkose devenir blanchâtre, friable, passer a une Roche
cariéey et enfin un peu plus loin être entièrement convertie en Jaspe;, Notre éton-
nement fut grand ensuite, lorsque,’ àpî’es avoir paslê une petite chaîne de collines,
nous nous trouvâmes dans -une espèce d’amphithéâtre entouré de -monticules* nus
et arides, semblables à autant de monceaux de débris d’incendie, les uns ayant les
formes coniques d’un cratère, les autres à flancs ouverts et laissant voir des crevasses
par où avaient dû s’échapper sinon des flammes, du moins des gaz, élastiques,
peut-être même les unes et les autres à la fois;.noüs nous crûmes transporté tout à
coup au milieu de monceaux de ruines encore fumantes, tant l’ignition nous parut
récente; cependant nous ne reconnûmes nulle part que le sol fut chaud, ou qu’il
s’en dégageât encore des vapeurs. Sur cè sol brûlé on remarquait par-ci par-la des
masses énormes de Jaspe, dont quelques-unes n’avaient pas moins de deux a trois
cents mètres cubes; elles étaient roulées.des parties culminantes, dont quelques-
unes, en raison.; sans doute de leur isolement ^ont-'échappé en partie à l’action de
l’incendie. Ce sol de Jaspe était devenu pulvérulent, craquait sous les pieds et se
délitait;en fragmens très-fins, exactement comme du Quartz étonné. Enfin, plus
loin, nous vîmes ces mêmes Jaspes passer à l’état de -Porphyre trachy tique; tantôt
rose*ou jaune, rouge et blanchâtre, et tantôt nuancé des plus belles couleurs, mais
conservant la cassure du Jaspe et souvent les différentes zones concentriques, qui*
s’observent ordinairement dans cette Roche. Nous remarquâmes aussi des blocs
qui-présentaient à la fois les deux états de Jaspe et de?Porphyre, circonstance qui
lient évidemment à ce ’que les dernières .actions modifiantes, d’où est; Résulté le
Porphyre, n’ont agi que sur certainës portions’ de la Roche de Jaspe, celles qui se
trouvaient en contact immédiat avec l’action modifiante; ou à ce que les blocs dont
il ’-'est question, se trouvant à la surface, ont pu être préservés etFpartie de ces
actions parle froid atmosphérique, etc. Quoi qu’il en soit, le fait était trop intéressant
pour que nous ne portions ]5as toute notre attention à constater que-,ce
Porphyre Vêtait formé en place, ¿et que son passage au Jaspe ne résultait pas d’un
simple contact; orí conçoit très-bien qu’un Porphyre qui aurait percé à l’état pâteux
et incandescent à travers des Roches quelconques, ait pu les modifier sur une
très-petite profondeur vers les points de contact et former dés passages apparens ;
mais il n’en a pas été ainsi à Imbros, nous eussions d’abord vu que les Jaspes ou