de Pélasges, quel qu’ait été ethd’où^soit venu celui qui leur valut ce nom, aient
appartenu sinon à une espèce du genre humain, du moins à une race particulière
ou autocihone', c ’est-à-dire née sur les lieu x , dont le berceau fut sur les montagnes,
au sommet desquelles nous avons retrouvé plusieurs de4 eurs acropoles. Les Grecs
s’enorgueillissaient de ce titre d’autocthones ou enfans de leur propre so l; le poète
Anthistène le leur reprochait, en disant qu’une telle prétention était plutôt faite pour
des lim a ç o n s que p ou r les citoyens d’une ville libre. Le poètejAnthistène avait tort;
c’est peut-être à cause de cette prétention même que le s G r e c s , pour qui s o l ,
berceau et patrie étaient des synonymes sacrés, montrèrent un si violent amour du
pa ys; passion qui brille partout et en tout temps dans leur histoire. Les Pélasges
s’étendant de proche en proche dans l’universalité de la Grèce et dans les île s ,
passèrent plus tard en Italie sous la direction de divers chefs de tribus. I l est inutile
de s’appesantir sur leur histoire et d’entrer dans de plus longs détails a leur égard;
on en a-, dit deux mots dans l’introduction du présent .ouvrage. J’ai donné ailleurs1
les caractères physiques, en vertu desquels on doit les compter, au nombre des
espèces ou principales races dans le genre Homme (Homo). La géographie du pays
dont ils sortirent doit seule remplir ce chapitre. Leur berceau, sous son nom de
Péloponnèse, fut l’une des régions les plus célèbres de l’univers; avec Athènes, elle
éclipse toutes les autres en réputation; elle remplit plus de pages dans les fastes du
monde que beaucoup de vastes empires; cependant sa surface, qu’on peut ¡évaluer
à 21.6 myriamètres carrés, n’excède pas celle de trois de nos départemens de
moyenne grandeur.
Homèrè, le premier, nous donna quelques détails, sur les principales villes qu’on
y comptait au temps de la prise de T ro ie, et sur les États dans lesquels ces villes se
trouvaient réparties lors du grand événement qu’a choisi ce prince des poètes pour
sujet de son immortelle épopée. Énumérant les forces réunies q u i , souples ordres
d’A gamemnon, ro i des rois, viennent attaquer, prendre et piller la ville de Priam,
le Melésigène caractérise chaque lieu par quelque épithète généralement si bien
choisie, qu’elle est encore applicable à ceux de ces lieux qu’i l est possible de reconnaître
: le peu de détails dans lesquels on le voit quelquefois descendre, sont précieux,
sans doute, mais ne sont pourtant pas géographiques, comme on l’a prétendu.
Les enthousiastes de ce grand chantre des combats ont cru rehausser sa gloire en
le célébrant comme un maître en toutes sciences; ils ont voulu trouver dans ses
vers des traités complets sur les connaissances où la société s’était élevée de son
temps. S’il en eût été ainsi, s’il eût si bien décrit en géographe consommé les lieux
par lesquels i l conduit Ulysse de périls en périls , on n’aurait pas écrit tant de
(1) Yoyez mon Essai zoologique sur l’homme, tome I.*r, page 143.
volumes et de dissertations pou r savoir.si le roi d’Miaqu e, parti des rives moyennes
pou r arriver dans l’île de.Calypso, avait dû sortir de la Méditerranée, ou si, passant
le détroit, ce r o i d’Îthaqü? avait poussé-jusqu’à Lisbonne; à’ Flessihgue et même
a t ii régions glaciales, ainsi que certains auteurs l’ônt voulu prouver contre toute
vraisemblance.
Strabon, écrivant environ 5 o ans A. J. Ç ., donna le premier l’exemple de ce genre
d’abus d’esprit, qui Tait chercher dans l’auteur dont on «’est passionné des choses
que celui-ci ne'prétendit jamais y mettre. Sa description du Péloponnèse n’est qu’un
commentaire, souvent entaché d’e rreurs, de la géographie homérique, à laquelle,
quand on la dépouille du charme de cette poésie qui la transmit de siècle en
siècle, on ne doit pas faire plus d’attention qu’elle n’en mérite sous le po in t de
vue scientifique. Citer emphatiquement les grandes pérégrinations que dut entreprendre
l’immortel aveugle d’Ionie, p ou r vo ir les endroits que ses chants devaient
immortaliser, est une véritable puérilité; ceux qui prétendent à toute fijfrce nous
faire admirer la hardiesse de telles pérégrinations, n’ont pas la moindre idée des
distances, et feraient supposer qu’ils ne savent pas faire usage d’une carte, pou r
suivre les narrations de l’h istoire ou les relations des voyageurs. Le moindre curieux
qui voudrait, Homère à la main, visiter tous les endroits où l’on veut qu?i l ait é té ,
le pourrait faire en moins de six mois, et n’y dépenserait peut-être pas deux mille
écus. H n’est pas de caboteur de Venise ou de Trieste qui n’en fasse davantage chaque
année, sans qu’on puisse attacher à de telles expéditions la moindre idée d’un danger
ou d’une difficulté vaincue. I l serait temps enfin de secouer le jo u g d une admiration
q u i, grandissant les choses4hors de toute mesure et leur donnant une importance de
convention qu’elles ne sauraient réellement avoir, enchaîne ou fausse depuis tant
de siècles le raisonnement, commande l’adoption de palpables erreurs et fait citer
comme des modèles certains écrits, qui se perdraient inaperçus dans la foule des
livres médiocres dont on nous inonde, s’ils venaient à paraître aujourd’h u i pou r la
première fois. .
Outre Homère e t Strabon, Hérodote, Th u cyd id e , X én op h on , P o lyb e , Diodore
de Sic ile, Pi mar que-, Pomponius-Méla , S c illa i dans son Périple , Pline dans sa
compilation, alternativement si déclamatoire et si sèche, S o lin , son maigre abré-
viateur, son t, avec Pausanias, les écrivains de l’antiquité chez lesquels on a cherché
les premiers matériaux pou r l'étude* de la géographie péloponnésiaque. La plupart
cependant n’en ont traité qu’accessoirement; le dernier seul,y consacra exclusivement
son livre. Il voyageait dans le midi de la Grèce vers la fin du second siècle
de l’ère chrétienne, quand elle n’était déjà plus qu’une ombre d’elle-même, veuve
de son beau renom. Son livre est dans toutes lés mains et se compose de dix parties,
dont sept traitent spécialement du Péloponnèse, sous les titres particuliers de
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