Ptolémée, un peu plus ancien que Pausanias, eût cependant pu fournir a cet
écrivain des données moins confuses que celles qu’il nous a transmises sur la position
des lieux. Quoique notre respect pou r l’antiquité de l’astronome d’Alexandrie ne
nous le fasse pas croire in faillib le, il faut convenir q u e c e lu i- c i eut au moins le
mérite de publier sur quelques parties du globe des élémens suffisans pou r qu’on en
f it des cartes, q u i, si elles n’étaient pas fort bonnes, donnaient au moins u n e^ é e
parfois, assez juste de la conformation des lieux. Ces élémens,«tout erronnés qu’ils
devaient être, ont long-temps servi de base aux travaux de ceux q u i, lorsqu’à l’aide
de la gravure on commença à publier des atlas, voulurent représenter les régions
du monde con n u ; et c ’est ce qu’ils n’eussent jamais pu faire avec Strabon et Pausanias.
Pour les côtes surtout, Ptolémée n’était pas un mauvais guide : la position
des caps, des golfes et des p o r ts , ayant été établie d’après des périples qui mentionnaient
toutes ces choses à leu r tou r , c ’est-à-dire dans l’ordre où l’on devait les rencon
trer,-en donnant-assez exactement leurs distances respectives, les erreurs n’y
devaient pas être aussi considérables que pou r les^positions de l’intérieur, où nulle
observation n’indiquait précisément comment elles étaient orientées les unes par
rapport aux autres. I l est probable que , pour composer les catalogues gradués qui
forment le texte de son ouvrage, Ptolémée dût commencer par faire, d’après les
renseignemens prodigieusement nombreux pou r son temps qu’il avait su, se procurer,
des ca ries , sur lesquelles, ayant placé chaque point comme il pu t, i l établit ensuite
les longitudes et les latitudes dont i l nous a donné les chiffres. Aucune de ces cartes
n’est malheureusement venue jusqu’à nous ; on n’en saurait même reconnaître un
seul indice dans l’antiquité; nulle peinture ou sculpture échappée à la faux du temps
n’en a perpétué le moindre._linéament.
La première représentation du Péloponnèse qui nous soit restée des vieux temps,
est celle qu’on trouve dans le Tabula Peutingeriana, à laquelle Peutinger,,savant
illustre, qui vécut à Augsbourg de i 465 à 16 4 7 , doit sa Plus granc*e célébrité,
encore qu’i l n’ait eu. aucune part à sa publication. Ce précieux document, qui
prouve combien peu les anciens étaient avancés dans l’art de qgnstruire. et de dessiner
la ca rte, paraît dater de l’an 3§3 D. J. C ., et avoir été-exécuté pa r.l’ordre.de
l’empereur Théodose. On ne sait comment .il se trouvait gissant dans la poussière
d’une vieille bibliothèque de Sp ire , quand Conrad Celtes l’y. découvrit vers la fin
du quinzième siècle; l’ayant légué à Petiùnger, celui-ci crut qu’il était une représentation
de l’iünéraire d’A ntonin : c e ne fut que quarante ans après sa mort que
Marc Yelser en fit paraître quelques fragmens avec des explications; enfin; par les
soins de Balthasar Morétus, célèbre imprimeur^la pièce parut toute entière en i 5 g.8.
£ llé a été reproduite dans divers ouvrages ; notamment dans le Ptolémée de Bertipi
pt dans YOrbis delijieatio d’Hornius ; mais elle y a subi des réductions et des modin
e n t io n s qui en altéraient .l'originalité. C e s t à-Christophe Scheyb qu’est due sa
reproduction rigoureuse, publiée en i 753 t i e n n e , sous les auspices de Mane-
Thérèsepdans un volume in-folio, dont le texte lui sert-d’h isloire et de commentaire.
C’est de cet ouvrage que j ’a i extrait 1e fa c stmile qu’on vo it dans la Planche«VI
de la t .? série de' notre Allas. Rien n’est plus bizarre que cétte carte-, où se reconnaissent
les deux fleuves Eurotas et Alphée . mais dont les noms sont mal indiqués,
le dessinateur»ayant écrit Burotas pour ce que je crois être le p rem ier, et
Pamisus pou r ce qui doit être le second. L ’A chaïe , la Messénie et la Laconie sont
les trois provinces qu’on y mentionne; Patras, Olympie, Méthana, LaeédémOne»
Boas, Épidaure,' Tégée et Corinthe Sont les villes qui s’y trouvent exprimées par
deux petits pavillons ou sortes de maisons vues de face. L a distance de plusieurs
autres lieu x, dont on_n’a écrit que le n om , est évaluée assez, exactement en milles,
romains. Ce fragment, qui produisit une grande sensat?on dans l’E urope savante
lorsqu’il parut, est certainement, pou r le mérite et l’exécution, au-dessus de ces
grossières- cartes gravées sur b o is ,-qu’on trouvait encore vers la fin du siecle dernier
en tête des almanachs les plus, communs, et qui maintenant seraient trouvées trop
mauvaises pou r être admises dans une publication à deux sOus.
- Lorsque, l’imprimerie étant inventée, l’usage de la gravure se répandit avec elle
p a r le secoucsîde la presse, les éditions des géographes anciens, qui se multiplièrent
promptement, furent presque aussitôt enrichies de mappes, dont la plupart ne
donnaient guère d’idées pluS exactes des formes d’u n pays, que ne le fait la table
de Peutinger. La première carte de la Morée que je trouve alors est dans le Ptolémée
de Venise, imprimé en i 4 8 6 , in - fo l io , sans titre n i pagination. Cette éd ition,
due aux soins de Juste de Albano et de T .R e g e r , est peu connue, et n’est pas
citée dans la plupart des catalogues bibliographiques; elle contient vingt-sept cartes,
savoir : une pou r l’ensemble de l’u nivers, dix pou r les diverses parties de 1 E u rope,
quatre pou r l’A frique et douze pou r l’Asie. Dans celle de la Grè ce , le Péloponnèse
est placé sous le douzième climat. Les positions astronomiques données par le
géographe d’A lexandrie, y ayant servi de base, le pays prend une forme toute
différente de celle du T ab ula Peutingeriana,'mais qui n’en est pas pou r cela plus
conforme à k réalité. L a singularité de son exécution m’eût déterminé à la reprodu
ire, si je n’eusse craint le reproche dé trop multiplier les planches. Néanmoins,
dans la nécessité où je croyais être de montrer une carte du P éloponnèse, construite
d’après ce Ptolémée, qui fut si long-temps le prince des géographes, j’a i choisitcelle
de l ’édition des Tabuler geographicce orbis terrarum veterïbus. cognilis en ^645
(voy. P l. V I , fig. a). Avant cette époqu e, dès 16 0 6 , Mercator avait cependant donné
une forme moins disparate au pa ys, et toutes, les cartes qu’on en publia ju sq u a
Danville, sont plus ou moins semblables à celles du géographe .de Rupelmonde,