CHAPITRE IV,
Terrain secondaire.
Par MM. BOBLAYE et VIRLET.
L’étude du Terrain secondaire, si intéressante dans le nord de l’Europe par la
succession régulière de ses grandes assises, les caractères minéralogiques qui les
différencient, la variété et la bélle conservation de leurs fossiles, ne présente, au
contraire, dans les contrées qui avoisineht le bassin de la Méditerranée, que
monotonie et difficultés de tous genres. Ici, des causes puissantes, d’origine sans
doute ignée, agissant pendant et après la consolidation du dépôt secondaire, l’ont
rendu tellement méconnaissable que l’on n’a pu constater son identité avec celui
du nord dé l’Europe, qu’ën suivant pas à pas, dans quelques localités, la "continuité
et les passages graduels qui- les unissaient.
Dans cette région méridionale a laquelle appartient la Morée, et que nous savons
déjà s’étendre des Pyrénées jusqu’au Liban, le Terrain secondaire ne paraît, au
premier coup d’oeil, qu’une masse uniforme de près de 2000 mètres de puissance,
formée principalement de Calcaires compactes. Les fossiles y manquent presque
entièrement, et si l’on en rencontre, ce ne sont plus que des empreintes sans
caractères, échappées à la dissolution de la masse qui les renferme. En outre, la
dislocation du sol est telle dans la Morée, qu’on citerait difficilement une contrée
plus bouleversée et, par suite, d’une étude plus difficile; au lieu d’une succession
régulière d’assises à peu près horizontales, comme celles qui du pied des Vosges
s’étendent jusqu’au bassin de Paris, ce ne^sont que des massesi&oulevées jusqu’à
24.00 mètres au-dessus de îa mer, redressées dans tous les sens*et souvent renversées
sur elles-mêmes. Vouloir- rétablir au' milieu d’un tel chaos l’ordre successif
des diverses assises, serait chercher dans les ruines d’jan édifice ce qui a appartenu
aux différencetage’s. Les difficultés seraient moindres , si notre point de départ
était bien déterminé; mais l’étude du Groupe entritique n’a fourni jusqu’à présent
aucune donnée précise sur l’époquè de son apparition, et le Groupe des, Marbres
siliceux, placé à la base de notre Terrain secondaire, est entièrement dépourvu
de fossiles et n’a rien d’analogue, quant à ses caractères minéralogiques, dans les
formations du nord de l’Europe.
Dans l’impossibilité de fonder nos rapprochemens ni sur les caractères minéra-
logiques, qui d’ailleurs à cette distance n’ont qu’une faible valeur, ni sur les caractères
palæonth©logiques, nous eussions, du moins, voulu suivre les formations du
Péloponèse à travers la Turquie, jusqu’aux montagnes qui enferment le bassin de
la Haute-Italig. La Dalmalie et les Apennins de la Iigurie nous auraient offert des
termes de comparaison étudiés depuis long-temps par d’habiles géognôstes, et nous
aurions pu constater l’identité des formations secondaires de la Grèce et du nord
de l’Italie. Cette marche purement géognostique ne nous eût cependant conduits
à aucune détermination précise; car on sait combiéftril règne encore dincertitude,
malgré les travaux les plus récens, sur l’âge des divers groupes des formations
secondaires de l’Apennin.
Ce qui n’a pu être obtenu dans une contrée soumise depuis si long-temps aux
recherches des géognostes, ne doit pas être attendu d’une exploration rapide de
la Grèce, et l’on peut dire en général que, si un voyage dans une contrée étendue
enrichit la Géographie géognostique, l’étude minutieuse de quelques localités bien
choisies, peut seule amener la connaissance exacte des-formations. Tant que les
géologues du midi de l’Europe n’aurorit ^oint obtenu, ce résultat pour leur Terrain
secondaire, le voyageur devra se borner à former des groupes naturels, les
étudier avec soin et déterminer, s’il le peut, leur ordre de^Succession, sans chercher
à établir des analogies qui ne pourraient être, le plus souvent, qu’une source
d’erreurs.
On peut juger, d’après ce qui précède, que nous manquons des élémens nécessaires
pour décrire le Terrain secondaire de la Morée dans tin ordre méthodique,
en présentant la succession de ses'divers étages, et pour le figurer par une coupe
unique. Sa composition, qui varié dans chaque région un peu étendue, soit par
des modifications locales, soit par la prédominance de certains groupes, nous
oblige à adopter un ordre en partie géographique. Nous décrirons séparément les
groupes secondaires dans la Laconie et la Haute-Àrçâdie, dans l’Àrgolide et dans
la Messénie; no^ essayerons ensuite d’établir les relations qui les unissent, et les
conclusions qu’on en peut déduire sur l’ensemble de la formation^
La division du travail par^égions, permettra à chacun de nous lé décrire celles
qu’il a étudiées plus particulièrement : cette marche aura l’avantagecde faciliter et
de hâter la rédaction. Après la description faite en commun desTtfarbres siliceux,
nous feront connaître, chacun séparèrent, les, formations secondaires de la Haute-
Arcadie/de l’Argolide, de la Messénie et de îa Ëasse-Arcadie1. Néanmoins le travail
de chacun de nous résultera toujours de la réunion de nos observations et de nos
opinions sur chaque sujet.
1. f i articles relatifs à l’Argolide et à la Haute-Arcadie, à l’exception du dernier titre, ont été
rédigés par M. Boblaje, et ceux relatifs à la Messénie et à la Basse-Arcadie, par M. Yirlet.