La Grece Réunissait sur son sol toutes les circonstances les plus'favorables
pour reconnaître, sans exclusion, les causes les plus puissantes
des modifications de la surface terrestre. Tous les grands phénomènes
de la nature .sty offraient aux méditations de la philosophie, intimement
liés au# causés immédiates qui les avaient produits. L’antiquité de'ses
traditions et Factivite encore puissante des forces volcaniques joignaient,
en quelque sorte, l’histoire de l’homme à celle des révolutions du globe,
qui avaient laissé partout leurs traces. Dans les plaines de la Mégaride,
de la Messénie, de l’Élide, dans laThrace, dans l’Asie mineure, des bancs
épais et éleves de coquilles a peine altérées et semblables à ceux qui se
formaient encore sur leurs rivages, avaient appris, il y atrente’siècles,
qu une partie du continent s’était formée au sein des mers : vérité que
devaient méconnaître les philosophes du dix-huitième siècle.
Un sol déchiré de fractures profondes , dont quelques-unes, comme
la vallée de Tempé, dataient des temps ^historiques, avait donné la
véritable clef de la formation dés vallées de montagne; question qui
fut encore débattue de nos jours, et sur laquelle on était loin d’avoir
des idées aussi saines que l’antiquité.
Des tremblemens de terre et des éruptions sous-marines, causes de
déluges passagers, avaient mis sur la voie de ces grands cataclysmes,
qui à diverses époques ont en partie renouvelé la vie à la surface du
globe.
Enfin, l’apparition des îles sorties du sein de la mer, et sans doute
aussi la presence des couches coquillièrès à la surface des continens,
avaient fait pressentir a Strabon que non-seulement des îles, mais des
continens entiers, devaient avoir ainsi* surgi du sein des eaux par l’action
des forces volcaniques : c’est la théorie des soulèvemens que cet
auteur indique de la manière la plus positive, et qui cependant n’a été
démontrée que de nos jours.1
i . ,Ce passage de Strabon est trop-remarquable dans l’histoire de la géognosie, pour que nous
puissions nous dispenser de lé-citer ici.
« Les déluges, les tremblemens de terre, les éruptions, leisoulèfement ou l’affaissement subit
« ^es mers, voilà ce.qui fait hausser ou ¿laisser les' eaux.i .'. En effet, s i , comme on est
« de l’avouer, il peut sortir de la mer non-seulemènt des flo t s . . . . , mais des parties de
« Continent, de même on doit croire que de grands terrains peuvent, comme les petits, s’affais-w
Les anciens avaient donc entrevu les principaux faits de la géologie
et les causes auxquelles ils étaient liés, et la Grece semblait appelee a
poursuivre rapidement ces découvertes, auxquelles nous ne sommes
arrivés que si tard et à travers tant d’erreurs; mais l’esprit d’observation
venait à peine de naître, qu’il disparut durant des siècles0ët cesjueurs
qui nous montrent le génie de l’antiquité sur la voie des vérités physiques,
s’éteignirent si prompteïhent, que Pline déjà ne nous en offre
plus la moindre apparence.
Rtaus avons cru devoir, dans un ouvrage destiné à faire connaître la
Grèce', indiquer l’heureuse influence que sa’ constitution physique aurait
pu exercer sur l’enfance de la géologie, et montrer que les anciens na-
vaient point été étrangers aux grandes théories géologiques. Nous ne
suivrons pas cette science dans toutes ses phases ; on pourra dans les
traités de géognosie publiés en France et surtout en Angleterre, la
suivre dans ses progrès bien/lents et ses nombreuses erreurs, jusqua
l’époque où elle fut soumise avec rigueur aux méthodes d’observation.
Nous nous contenterons ici d’appeler l’indulgence sur cet esprit systématique
qui siguala ses débuts, et qu’on lui reproche avec tant de
sévérité et, à notre avis, avec si peu de justice.
La géologie fut, en effet, soumise dans sa marche aux mêmes phases
que toutes lés autres branches des connaissances humaines, et elle dut
reparaître comme elles sous la forme systématique qui précède et fait
naître l’esprit d’observation.
Les systèmes, sans excuse depuis que les méthodes d’observation sont
connues, furent au contraire dans Fqrigine des-sciences une nécessité.
L’étude de faits multipliés, sans intérêt en eux-mêmes, sans liaison
déterminée, exige un but, et ce but ne peut consister que dans le désir
de se rendre compte d’idées préconçues.
La géologie devait, plus que toute autre science, être entraînée et
maintenue dans la direction systématique, d’un côté par l’empressement
qu’on éprouve toujours de^e rendre compte des plus grands phénomènes
« s e r ... . Il n’y a pas dé raison pour regarder la Sicile comme un morceau arraché de
« plutôt.que comme une ile lancée du fond de la mer par l i s feux.souterrains.* (Tom. I , li , I ,
j^ag. 128, édit. Gosselin.)