est resté que des lambeaux dans les parties les plus élevées. Des dépôts d’alluvions
ou lacustres ou terrestres ont rempli les cavités qui venaient de se former et ont
disparu à leur tour pour faire place à des dépôts plus récens encore.
Le plus'ancien dépôt postérieur au Terrian tertiaire que nous ayons trouvé dans
cette vallée, est l’amas détritique qui forme un talus de 40 à 5o mètres d’élévation,
appuyé au grand escarpement de Calcaires dolomitiques qui flanque le pied du
Taygètej il est formé de débris de toute grosseur, unis par le ciment rougeâtre
dont nous avons déjà parlé. Des infiltrations calcaires et ferrugineuses lui donnent
une grande, cohésion. À sa base, le dépôt détritique se confond avec des alluvións
plus récentes, quoique antérieures à l’époque actuelle, et à sa partie supérieure il
est recouvert de débris récèns.
Ces amas d’agglomérats ferrugineux se sont formés au, pied des rivages escarpés
soit des lacs, soit de la mer, et dans les vallées pendant toute la période qui a suivi
le dépôt subapennin ; et ils se poursuivent dans l’époque historique avec des caractères
toujours identiques. Nous pensons que ceux du bassin de Sparte ne reposent
que sur le sol tertiaire déjà dénudé par un premier soulèvement, et qu’ils sont
contemporains des alluvions ferrugineuses des vallées et des Brèches osseuses des
anciens rivages.
A la surface de ce dépôt ferrugineux, et surtout dans des excavations qui le
sillonnent, on trouve à l’ouverture des gorges de Mistra et de Paroria un Terrain
de transport très-remarquable par ses produits : il se compose d’un' amas incohérent
de couleur grisâtre, formé de fragmens de Roches schisteuses et de Sables quartzeux,
enveloppant des blocs d’Anagénites qui ont souvent plusieurs mètres de diamètre.
Cet agglomérat contraste bien par sa couleur et sa nature (il n’est pas effervescent )
avec les alluvions anciennes, formées de terres ocreuses et de Calcaires, au milieu
desquelles il repose, comme on le voit dans le lit de la Pantalimonia et au milieu
même de la ville de Mistra.
Les blocs, répandus en grand nombre a la surface du sol,sont distribués en traînées
à partir de l’ouverture de la gorge jusqu’à la distance de i 5o<x à 2000 mètres
et ne peuvent manquer de fixer l’attention, autant par la beauté de la Roche ( Ana-
génite verte à Quartz rose) que par son étrangeté au milieu des alluvions de la
vallée. Nous avons dit (chapitre des Terrains primordiaux) que ces blocs ne pouvaient
provenir que du sommet de la chaîne et que les anciens les employaient à
faire des meules, dont les fragmens brisés ou ébauchés, répandus autour de Mistra,
indiquent la position d’Alésia, où, suivant Pausanias, la meule fut inventée, en sorte
qu’une observation minéralogique nous a fixé sur la position de cette ville ancienne.
Ce phénomène des blocs erratiques ne paraît pas limité à la gorge de Mistra j on
trouve des blocs aussi volumineux, mais de natures diverses, jusqu’au-dessous
d’Amydée. On voit, à n’en pouvoir douter, qu’ils ont été lancés dans la plaine par
les fentes étroites des vallées torrentielles, à une époque que l’on ne peut-porter
au-delà du commencement de la période actuelle.'**
Les environs de Mistra montrent les résultats d’une catastrophe encore plus
récente et dont l’histoire nous a conservé le souvenir. Si on remonte les collines
ali nord de la ville, dans la direction du beau Cyprès de Stavro, que tous les voyageurs
vont admirer, on trouve à la surface du sol des éminences qui, par leur forme
étrange, ne pouvaient manquer d’attirer les yeux d’un topographe. Le sol, formé de
Schistes alumineux, profondément ravinés, est recouvert de grandes masses de débris
entassés en collines qui, par leurs formes et leur désordre, annoncent un éboule-
ment récent : ce sont des Calcaires siliceux, des Quartzites, des Schistes de diverses
natures, entassés confusémentj les fractures sont encore fraîches et les arêtes vives,
et en s’écartant du lieu où les principales masses sont tombées, on voit démoindres
débris dispersés sur les alluvions récentes et sur la terre végétale elle-même. Ces
masses reposent au pied d’une des pentes les plus rapides de la chaîne qui conduit
au sommet du Paximadi, et on ne peut douter qu’elles n’en aient été détachées dans-
le cours de la périodeiactuelle. ■
Si l’on rapproche ces observations des récits des anciens sur le célèbre tremblement
de terre qui, 469 avant JésUs-Christ, renversa Sparte de fond en comble,
ouvrit des gouffres nombreux dans la Laconie et f it crouler un sommet du Taygèle,
faits constatés par Cicéron, Plutarque, Strabon et Pline, auteurs dont le premier
indique même la forme du sommet écroulé *, on ne pourra douter que nous n’ayons
retrouvé, après vingt-trois siècles, les débris de cette grande catastrophe.
Récapitulation. Nous pouvons résumer ainsi les principaux faits contenus dans
ce premier article :
La Morée, par une succession de soulèvemens postérieurs au dépôt du Terrain
tertiaire, s’est élevée de près de 3oo mètresj l’Argolide seule ne paraît pas avoir
participé à la totalité de ce mouvement.
La Morée et toute la zone occupée par les formations secondaires du midi,
renferment une grande quantité de bassins fermés, dont l’origine est antérieure au
Terrain tertiaire subapennin. Les causes qui s’opposent à ce que ces dépressions
soient'comblées ou par les eaux ou par les alluvions, ne résident point dans les
phénomènes atmosphériques, mais dans la constitution géognostique du sol.
De grands lacs et des canaux souterrains conduisent les eaux à travers les montagnes,
depuis les bassins fermés jusqu’au niveau des plaines tertiairés et quelquefois
au-dessous du niveau de la mer.
i . « Cum et urbs iota corruit et ex monte Taygeto ex tréma montis quasi piippis atuha est.»
(Çic., de divin., lib. I ; Plularch. in Cimont; Strab. , lib. VIII. )