les traces du limon rougeâtre qu’il déposa à la surface du sol et dans toutes les
fissures du rocher, comme on voit le ciment identique dé la Brèche osseuse tracer
une bande rougeâtre à la limite des anciens rivages". C’est alors que le monastère
Saint-George, dont on voit les ruines au-dessus du village de Phonia, fut détruit
par les eaux et reconstruit dans la montagne. Ce village aura bientôt disparu, car
les eaux continuént à s’élever et elles pourront atteindre une hauteur de 400 mètres
avant de trouver une issue vers la plaine d’Orchomèné, â moins que les chasma
ne. soient oüverts par la pression ou par quelque tremblement de terre. Il paraît;
d’après les anciens et lés modernes, que ces intermittences dans l’abaissement et
l’élévation du lac coïncident avec les tremblemens de terre. Ératosthène, cité par
Strabon, dit « qu’il arrivait parfois que, par l’obstruction des chasma, l’eau inondait
« la plaine et que, lorsqu’ils étaient rouverts, elle la quittait subitement pour aller
« grossir le Ladoii èt l’Alphée. De là vient qu’une fois les environs du temple
.« d’Olympie furent inondés au moment où les marais se trouvèrent à sec. 1
Strabon1 ajoute qu’à-une autre époque, des tremblemens de terre ayant fait écrouler
les parois des chasma par où les eaux s’écoulaient, les sources du Ladon furent
complètement interceptées.
Cavités intérieures et Képhalovrysi. Après avoir étudié l’entrée dans les montagnes
des cours d’eau souterrains de la Morée, nous allons les examiner à leur
sortie. On nomme Képhalovrysi, les débouchés de ces grandes eaux souterraines.
Ce n’est pas seulement leur volume qui les distingue des autres sources, mais
encore leur intermittence irrégulière et leur égalité en toutes saisons:
La position des Képhalovrysi nous a paru déterminée par des circonstances
géogpostiques : dans les montagnes, comme aux sources du Ladon, à celles du
Buphagus2, près de Karitaena, et dans plusieurs autres lieux, elles percent au-
dessus des couchés marneuses situées à la partie inférieure de la grande formation
de la Craie et du Grès vert ; mais les plus nombreuses et les plus volumineuses
s’ouvrent, ou sur le littoral, ou dans la plaine sur la courbe horizontale qui dessine
les anciens rivages de la période tertiaire. Lorsque les Terrains tertiaires manquent,
comme dans l’Argolide, ou plutôt que leur niveau est inférieur à la surface de la
mer, les Képhalovrysi percent à quelques mètres au-dessus de son niveau, au milieu
dès Terrains détritiques et des alluvions anciennes, comme à Lerne, à l’Érasinus
et aux magnifiques sources de Skala, dans l’Hélos; quelquefois même ils jaillissent
au-dessous du niveau de la mer, comme à l’Anavolo, près Astros, aux environs
de Candia, et dans plusieurs autres lieux du rivage Argolique,
1. Lib. VIII, cap. 9. v
2 . Nous nous servons des noms anciens par nécessité, ces rivières n’a yant plus de noms modernes
Le fleuve sous-marin de l’Anavolo, mentionné par Pausanias sous le nom de
Dine, présente le plus beau phénomène de ce genre : à 5 ou 400, mètres du rivage
on voit, dans un temps calme, quoique la mer ait 8 à 10 mètres de profondeur,
les flots dessiner de grands arcs concentriques autour d’une partie très-bombée, et
les Sables du fond bouillonner sur une étendue considérable. Le rivage présente
un affaissement concentrique d’une centaine de nôtres d’élévation,’ creusé dans les
flancs de la montagne du Zavitsa ; phénomène dans lequel on ne peut manquer
de reconnaître l’enfoncement de cavernes produites par une action non d’érosion,
Biais de déblaiement, exercée par ce fleuve dans sa course souterraine.
Il eût été d’autant plus important pour nos recherches zoplogiques et pour
l’explication du jpélange, dans un même bassin, des dépôts fluviátiles et marins, de
pouvoir recueillir les espèces qui peuplaient ce fond de mer-, que-cë phénomène
est très-commun sur toutes les côtes de la Grèce, et particulièrement dans le
golfe Adriatique; il doit en résulter des amoncellemens coniques de dépôts fluviátiles
au, milieu de dépôts marins contemporains, tel qu’on pourrait concevoir
Montmartre avec „ses Gypses et ses ossemens au milieu du Calcaire grossier.
La plaine d’Argos est entourée de ces Képhalovrysi dont les eaux produisent les
marais pestilentiels que la fable a personnifiés dans l’hydre de Lerne; tous sont à
peu près au même niveau; les plus élevés n’ont pas 20 mètres au-dessus de la
mer; tous sortent au milieu de couches brisées,,de Brèches et de_Poudingues qui
appartiennent à l’ancien rivage de l’époque des Brèches et des alluvions anciennes
del’Argolide; dépôt contemporain de la Brèche osseuse et des alluvions ferrugineuses
des vallées de la Morée : il est à remarquer qu’ils jaillissent, non pas en face
de l’ouverture des vallées, mais au pied des contreforts escarpés qui s’arrêtenj à la
plaine (sources de Tirynthe, de l’Ërasinus au pied du mont Chaon, de Lerne
au pied du mont Pontinus, etc.), comme siles eaux se frayaient plus facilement
un passage-au milieu des couches fendillées du Calcaire compacte, qu’au travers
les alluvions anciennes, fortement cimentées par l’Argile rouge. Ainsi, à la source
de l’Érasinus on voit, à n’en pouvoir douter, que le fleuve sortait par les cavernes
lorsque les alluvions anciennes se formaient à leur pied, et que ce ne fut qu’à la
suite de leur soulèvement et de leur fracture qu’il abandonna ces ouvertures pour
se faire jour à 3 ou 4 mètres au-dessous1. Il en est de même aux deux principales
sources des moulins (Lerne), à celle de Piada et dans toute l’Argolide. Il est cependant
quelques-uns de ces fleuves souterrains qui paraissent suivre le berceau des
1. La source de l’Érasinus' éprouve des intermittences très-brusques à des époques assez fréquentes
pour avoir fait croire qu’elles étaient périodiques. Il parait certain qu’à l’époque de la descente de
Drama-Ali dans la piaibe d’Argos elle cessa de couler, ce qui fit dire aux Argiens, coiïimeau temps
de Cléomène, que l’Erasinus combattait pour eux. (Hérodote, lib. VI, cap. 76.)