La dénudation ou plutôt la destruction presque complète de ces collines s’explique
par l’ouverture des gouffres qui desséchèrent la plaine et entraînèrent les
matières meubles qui la comblaient. Mais privés de caractères zoologiques, doit-on
regarder ces dépôts, jusqu’aux Poudingues inclusivement, comme remontant à
l’époque du Terrain tertiaire ou seulement à celle des alluvions anciennes? Nous
croyons cette dernière opinion beaucoup plus probable, attendu que dans l’hypothèse
contraire rien ne représenterait dans çe bassin les immenses dépôts des vallées
que nous allons bientôt décrire. Le phénomène' de la dénudation a pu arriver lors
du soulèvement des alluvions anciennes et se répéter depuis à plusieurs reprises
par le seul, effet des tremblemens de terre, comme l’indiquent les petites--terrasses
d’alluvions plus récentes, au pied des montagnes qui entourent Tégée.
On conçoit d’après ce qui précède, que nous n’ayons aucun caractère rigoureux
de gisement pour distinguer dans les bassins fermés les alluvions anciennes de celles
de l’époque actuelle telle que nous rayons définie; mais la partie de cette période
qu’on peut désigner sous le nom d’époque historique, est déjà assez éloignée de
nous pour avoir donné naissance dans tous ces bassins fermés à des modifications
sensibles; ainsi on peut conclure de divers passages des auteurs anciens, et surtout
de Pausanias, que les alluvions ont produit dans cette période des changemens
notables dans la topographie de la plaine. .
Le seul torrent qui, par le volume de ses eaux et la masse de ses alluvions,
produise des modifications remarquables, est le Saranda-Potamos, qui prend son
origine dans les montagnes de Yervéna, aux frontières de la Laconie, traverse un
long défilé comblé par des alluvions caillouteuses et dont la pente est peu inclinée,
contourne les ruines de Tégée et se perd dans le gouffre de Bersova, au pied du
Parthénius. Ses alluvions se distinguent par les débris de Schiste , les Quartz hyalins
et les paillettes de Mica,des alluvions de tous les autres torrens, qui ne renferment
que des Calcaires et des débris du Grès vert; en sorté que l’on peut suivre son
cours pendant toute la période historique. Ainsi nous voyons qu’il a nivelé l’emplacement
de Tégée, de manière à en faire disparaître les inégalités; qu’il s’est jeté,
a une époque bien antérieure, dans le gouffre près Pallantium, comme l’indique
l’ancienne tradition sur l’origine de PAlphée, tradition prise pour un fait réel par
Pausanias et le voyageur Gell; nous avons reconnu qu’il s’écoula jusque sur les terres
des Mantinéens, soit naturellement, soit par les travaux de l’armée d’Agis (Thucyd.,
liv. Y) ; faits curieux, dans les détails desquels les bornes de cet-article ne nous
permettent pas d’entrer.1
Les alluvions, depuis 1600 ans, ont entièrement'■■nivelé le sol de Tégée, qui
devait être légèrement accidenté d’après la description de Pausanias; dans le nord
1 . Voyez le p la a que nous avons levé de la p la in e de T r ip o lits a , i . rc s é r ie , Pl. IV .
delà plaine le changement dit cours de l’Ophis a préservé Mântinée, dont le sol
est encore au niveau qu’il avait lors de la réédification de la ville au temps d’An-
tigone (260 ans avant Jésus-Christ).
Par suite de l’exhaussement des alluvions^-les torrens se transportent successivement
d’une partie de la plaine à l’autre. Dans ce moment le Saranda-Potamos est
peu éloigné d’abandonner le gouffre .de Bersova, pour se porter au nord de la
plaine vers les gouffres de niveau inférieur qui entourent Manànée. Par ce déplacement
successif des torrens, qui‘partout trouvent des gouffres pour les recevoir,
le niveau de la plaine se maintient à peu près uniforme.
Bassin de Mégalopolis. Après avoir décrit un bassin entièrement fermé, nous
prendrons pour second exemple le bassin de Mégalopolis, qui, fermé pendant les
dépôts des Terrains tertiaires, et .des alluvions ferrugineuses, fut ouvert par une
fracture qui laissa un passage libre à l’écoulement des eaux. En lui donnant pour
limites, entre Karitæna et les sources de l’Alphée, les parties basses occupées par
les.alluvions anciennes, il devait former un lac de â5 kilomètres de longueur sur
9 de largeur.
On y remarque des dépôts très-distincts par leur nature et par leur âge. Dans la
partie inférieure“, vers Mégalopolis, le .sol est formé de Marnes bleues ou verdâtres ,
surmontées d’un dépôt de Lignites bruns; formation lacustre, que nous croyons
pouvoir rapprocher, sous le rapport de l’âge, de là formation subapennine. Au-
dessus s’étendent, dans quelques endroits, des alluvions sablonneuses, telles que
celles de la plaine de Tripolitsa. Dans la partie méridionale de la plaine, qui s’élève
très-rapidement, on ne voit plus au-dessus du lit des torrens profondément encaissés
que de véritables dépôts .d’alluvions torrentielles : ce sont des Sables et des
Graviers dans les parties inférieures, et au-dessus des Poudingues bréchoïdes cimentés
par beaucoup d’oxide de Fer : leur énorme masse (100 à i 5o mètres d’épaisseiir)
pourrait engager à les regarder comme un diluvium ou le produit d’un transport
violent et instantané; mais leur examen détruit cette idée et n’y montre que les
produits du temps et des torrens. Ils sont, dans leur partie supérieure, tout-à-fait
identiques aux Poudingues rouges des vallées ouvertes, que nous décrirons bientôt,
et nous n’hésitons pas à les ranger dans les alluvions anciennes , quoique leur
partie inférieure pût être, comme les Marnes de Mégalopolis, contemporaine des
dépôts subapennins. Il serait d’ailleurs impossible de concevoir leur formation avec
la pente que la fracture de Karitæna donne aujourd’hui à tous les. torrens de ce
bassin, et l’on voit que c’est au moment où elle se forma qu’eut lieu dans les Pou-*-
dingues l’excavation des vallées et le déblaiement de la plaine.
Les modifications produites pendant la période historique dans une vallée ouverte,
sont bien moins considérables que dans les bassins fermés : rien n’indique
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