'large, et nous ne pûmes que reconnaître l’existence de cette ligne de cavernes et
de cavités qui-’règne au niveau du flot et dans lesquelles la mer, en s’engouffrant,
imitait le bruit lointain du tonnerre ou de l’artillerie. Plus tard, au mois de Juin,
un calme parfait nous permit de suivre le pied de cette énorme masse et de pénétrer
dans l’intérieur de l’une de ses cavernes, peuplée de colombes, comme au temps
d^Homère.1
Celte zone noire, que.nous apercevions de loin, était formée par une suite de
cavernes et de cavités qui se réunissent en un sillon à peu près continu. Les cavernes
ne diffèrent des cavités que par des dimensions plus grandes; les unes et les autres
répondent à des lignes de fissures croisées en différens sens, qui, secondant l’action
mécanique du flot, paraissent ht.cause la plus puissante de la formation des cavernes
littorales.
L’intérieur de la caverne présente les .circonstances .suivantes ;. la Roche est un
Marbre gris en bancs à peu près verticaux ; la partie inférieure de la voûte a des
parois «fisses et arrondies; la partie supérieure est anguleuse et inégale; aucune
ouverture né se-fait remarquer ni au sommet ni à la partie la plus reculée, où le
roc jêst à nu; cependant il y pénètre par les fissures du sommet de la voûte beaucoup
de -terre rouge qui en colore toutes les parois. En un mot , elle ne diffère
des nombreuses cavités à formes irrégulières de la ligne du flot que par des dimensions
plus grandes. Le sol, qui s’élève promptement vers l’intérieur, présentait, à la
partie la plus reculée, un petit nombre d’Hydrophites,. des débris de planches et
quelques galets, tous identiques à ceux des parois de la caverne, mais aucun dépôt
récent.
Il existe.de semblables cavernes à l’entrée du Porto-Quaillo près du cap Matapan ;
elles ont une grande profondeur et on peut y pénétrer en bateau. Elles nous ont
paru le résultat de l’action mécanique du flot sur des Marbres très-fracturés.2 #
Nous pourrions citer un1 grand nombre d’autres localités, où nous avons observé
les cavernes littorales : l’une des plus connues et des plus remarquables est l’île de.
Sphactérie, et surtout le rocher long et étroit qui forme l’entrée de Navarin. Ces
îles sont coupées verticalement du côté de la rade et du côté de la mer, et ce côté
seul offre une ligne.continue de cavernes et de cavités plus ou moins profondes;
l’une d’elles a même complètement traversé l’île la plus méridionale, et on peut y
passer en bateau,.quoique la mer y ait peu de profondeur, comme sur le sol de
toutes les cavernes littorales (voy. la Relation, pag. S'j et la vignette du chapitre II),
On doit donç, indépendamment des cavernes d’éboulement produites sur les
1. Blessa, abondante en colombes. (Homère, Iliade.)
2. La plus remarquable par son étendue s’est affaissée à la suite d’un tremblement de terre dans
J’intervalle des deux voyages que nous avons faits au cap Matapan.
flancs des vallées par.la destruction de couches peù résistantes, telles que celles
des alluvions anciennes de la Morée, et indépendamment des. cavernes produites
par la dislocation des couches et modifiées par l’écoulement souterrain des eaux
continentales, en reconnaître en Morée une troisième espèce, due à des causes toutes
différentes et que l’on pourra désigner sous le nom de cavernes littorales.
Leur production nous paraît due à l’action érosive de l’eau de la mer sur les.
Roches calcaires, action que nous démontrerons par ses effets, et à celle beaucoup
plus puissante et toute mécanique exercée par le flot. La première corrode le Calcaire,
agrandit les fissures, non-seulement dans là zone du flot, mais à une hauteur
bien supérieure, par suite de l’action de Xaura marina. Le flot alors agit,comme
un coin dans les fissures et les cavités déjà formées, et son effet s accroît par la
compression de l’air, qui est telle, comme nous l’avons dit, qu’on peut comparer
le bruit produit à des coups de canon. Mais le mode de destruction le plus énergique
sur ces Roches traversées de fissures est celui par lequel le .flot,, après le
choc, aspire en quelque sorte par le vide qu’il produit les fragmens peu adhérens;
effet que nous avons souvent remarqué sur des ^maçonneries en pierre de taille.
Ces cavernes littorales devront se retrouver aux anciens niveaux des mers et
présenter pour caractères un niveau à peu près constant au pied d’une mêmè chaîne,
des parois lisses et arrondies dans leurs parties inférieures, des voûtes anguleuses,
point de communications par des galeries ou chambres successives, mais seulement
des fissures élargies dans la partie du fond ; une demi-voûte coupée .par la surface
extérieure de la montagne, plutôt qu’une voûte à ouverture étroite, et enfin, pour
caractères zoologiques, quelques fossiles marins roulés au milieu des Argiles rouges
et des débris détritiques qui seront venus former talus au pied du rivage et combler
la caverne.
Les rochers du rivage sont donc creusés partout au niveau du flot ; il en résulte
ou un sillon ou "une suite de cavités,et de cavernes à formés particulières, et par
suite de cette action prolongée depuis que la mer est dans ses limites actuelles, une
table sous-marine de très-peu de largeur dans les Marbres et les autres Roches
dures des rivages de la Grèce, mais beaucoup plus étendue dans le Terrain tertiaire
et dans le Grès vert.
Nous retrouverons dans la troisième partie de ce mémoire ces divers caractères
imprimés sur les anciens rivages de la Morée.1
i. Au nombre des .actions destructives exercées au-dessous du niveau de la mer, il en est une,
due aux Mollusques, dont les produits, sans doute très-faibles, n’en sont pas moins remarquables ;
on trouve sur certaines plages (Monembasie) tous les galets et une partie de rochers en place, criblés
de petites cavités, comme des alvéoles irréguliers ; de ces cavités partent des galeries sinueuses
qui se rencontrent et se croisent dans l'intérieur de la Roche calcaire, quelque dure qu’elle