CHAPITRE VI I.
Phénomènes récens ou postérieurs à la formation subapennine.
P a r M. BOBLAYE.
Nous réunissons dans un même chapitre, sous le titre de Phénomènes récens,
l’histoire géognostique de la Morée, depuis la fin de la formation subapennine jusqu’au
temps actuel. C’est une période que l’on peut diviser en deux époques principales
: la première, caractérisée par les alluvions ferrugineuses, comprend le
temps des mouvemens successifs et à longs intervalles pendant lequel la formation
subapennine prit l’élévation que nous lui voyons aujourd'hui; la seconde, que nous
désignons sous le nom d’époque actuelle, commence au moment où la Grèce prit
sa configuration actuelle, et les siècles historiques n’en font probablement qu’une
faible partie.1
Nous diviserons les produits de cette période en dépôts épigéiques ou terrestres,
résultats en -grande partie de l’action des agens atmosphériques sur la surface
émergée; en dépôts littoraux, dus à la même action, combinée avec celle de la
mer, et en dépôts sous-marins. Nous dirons ensuite quelles sont les modifications
produites par l’action de l’homme et les caractères ,qù’il a imprimés à l’époque
actuelle.
ARTICLE I.er
D ép ô ts épigéiques.
■ Configuration de la Morée au commencement de cette période. La Morée était
déjà en partie émergée lors du dépôt des Gompholithes tertiaires, qui nous paraissent
représenter les Nagelflue de la Suisse; de grandes dislocations, des soulèvemens
de îooo à 1200 mètres, précédant la formation du Terrain subapennin, changèrent
les formes du sol, et les dépôts épigéiques antérieurs durent presque entièrement
disparaître; mais, à partir de celte époque, la Morée ayant pris tous les principaux
traits de son relief actuel, nous devons y trouver des dépôts épigéiques de l’époque
subapennine et tous ceux de l’époque suivante jusqu’au temps actuel. Avant d’entrer
dans ce nouvel ordre de faits, nous jetterons un coup d’oeil sur l’aspect que présentait
la Morée au moment où le dépôt du Terrain tertiaire fut suspendu.
ï . L’établissement de nos rivages, et le sonlèvement de la formation subapennine, ne sont pas
l’effet d’un mouvement unique, ni, comme paraît le penser M. Lyell, d’une ascension continue ,
mais de plusieurs mouvemens brusques, au nombre de trois et peut-être de quatre, séparés par
de longs temps de repos. L’époque actuelle, qui les suivit, n’a pour nous qu’une valeur relative)
elle commence au moment où cbaqne région du globe prit la configuration générale que nous
lui voyons aujourd’hui,
Le Pélopotièse formait une île moins élevée et moins étendue qu’aujourd’hui,
«t dont une courbe horizontale, tracée entre 35o et îj.00 mètres au-dessus du niveau
de la mer, dessinerait à peu près le contour. Tous les rivages étaient abruptes et
plongeaient dans la mer, comme le font aujourd’hui les cotes orientales de la
presqu’île Monembasique et d’une grande partie de l’Argolide. Les terrasses horizontales
qui bordent le pied des montagnes et découpent les rivages, n avaient pas
apparu, et la plupart même n’existaient pas encore.
L’Élide presque entière était sOus les eaux; il'en était de même dé la Messènie,
dont le golfe s’étendait jusqu’au pied du mont Lycée, entre la chame du Taygète
et u n archipel, dont le mont Mali, entre Arcadia et Messène, le mont Lycodimo
ou Temathias et les sommets du cap Gallo, formaient les trois principales îles.
Le golfe de Laconie se prolongeait entre deux longues chaînes rocheuses jusqu’aux
sources de l’Eurotas, et s’unissait à une'suite de lacs et de cavités qui
s’étendaient jusqu’au pied des montagnes Achaïqùes. Ces dépressions s’étaient
formées par le croisement des soulèvemens Pindique et Achaïque, soulèvemens
antérieurs au dépôt subapennin; et nous pensons que depuis cette époque' elles
n’ont éprouvé que peu de modifications. Le golfe Gorinthiaque séparait déjà
l’Hellade du Péloponèse et S’unissait à la mer Égée par-.une double ouverture, au
nord et au sud des montagnes de Mégare.
L’Archipel était déjà semé de ses îles élevées; quelques îles basses, formées par
le Terrain tertiaire, n’étaient encore que des écueils ou des bas-fonds. Les massifs
trachytiques d’Ëgine, de Méthana, de Milo, de Santorin, etc., avaient déjà apparu,
‘quoique leur hauteur fût loin d’atteindre la hauteur actuelle; plusieurs de ces massifs
étaient devenus cles centres d’actions ignées qui venaient de soulever les derniers
dépôts tertiaires et continuèrent à se manifester jusqu’au temps actuel.
Si la mer avait en général plus d’étendue, quelques parties de son bassin étaient
cependant devenues continentales et lacustres, par suite, sans doute, de l’exhaussement
du Terrain tertiaire et de la réunion des îles par les dépôts sous-marins et les
dunes. Nous ën avons la preuve dans les dépôts d’eau douce de Rhodes et de
l’archipel d’Hiliodroma, éloigné de cinq à six lieues du continent. Ainsi, en suivant
la position du Terrain subapennin sur les çôtes de la Grèce, comme sur celles dç
la France et de l’Italie, on voit qu’à cette époque de liage du monde tous les traits
principaux du relief de l’Europe, du moins dans le voisinage de la Méditerranée,
étaient déjà dessinés, et qu’il devait suffire d’un soulèvement général de 3oo à 4°?
mètres pour lui donner la configuration que nous lui voyons-aujourd’hui.
D’après ce que nous avons dit de l’antériorité des bassins*fermés de la Morée
au soulèvement des Terrains tertiaires, il est évident qu’ils doivent renfermer des
produits épigéiques de l’époque de ces derniers Terrains, et au-dessus, toute la