1 « GÉOGRAPHIE.
Corinthiaques, de Laconiques{ de Messéniques, dlÉïiaques, au nombre de d eu x ,
d'Achaïques et d'Arcadiqùes. Les autres, où l’auteur fait une excursion en terre-
ferme, sont intitulés : A ttiq u e s , Bèotiques et Phociques. On ne p eut mieux comparer
Pausanias, par rapport à la Morée, qu’à l ’abbé Pons, par rapport à l ’Espagne. On
chercherait vainement chez l’un ou chez l’autre un détail topographique, un passage
où soit mentionné le chiffre auquel s’élève la population d’une ville et de sa contrée,
la description d’un site digne qu’on s’y arrête et qu’on s’y complaise ; on n’y trouve
absolument rien sur là nature du so l, sur ses ombrages, ses productions agricoles
ou sur les accidens q ui le peuvent caractériser; en un mo t, sur quoi que ce soit
qui donne quelque idée touchant la constitution physique et la physionomie des
lieu x; mais les plus petits temples ou niches à dieu x, les plus mesquines chapelles
ou ermitages écartés, sont soigneusement décrits par Pausanias et par l’abbé Pons,
avec les statues des puissances célestes qu’o n y encense, ou des saints pou r qui
l’on y allume des bouts de chandelles; ce qui tient à l?architecture, et surtout à
la sculpture, fû t -e lle en bois v ermoulu ; incapable d’arriver sur place même à
la'généra tion suivante; les détails de peintures ou de tableaux qui sont exposés
à changer de place et de maître, quand il advient parfois des amateurs à main
armée; enfin, les objets d’a rt les plus exigus s’y trouvent minutieusement signalés
avec le nom de l’artiste plus ou moins connu , réel ou supposé, auquel sont-attribués
des chefs-d’oeuvre q u i , s’ils nous étaient vendus, n’auraient peut-être d ’aütre
mérite que leur vétusté. Le Grec est encore plus prolixe , s’il est possible, que l’Espa
gn ol, notaûiment lorsqu’il consacre trois chapitres à la description du Coffret
de Cypselus, sur lequel M. Quatremère de Qu in c y a trouvé encore quelque chose
à dire dans son Jupiter olympien (p. 12 4 à i 3 2 ) , après Heyne, qui, l’an 1 7 7 0 , en
avait fait le sujet d ’un volume, imprimé à Goettingue. Pausanias et Pons ont encore
dû avoir ce rapport que leurs écrits auront probablement servi de guide aux Elgin
de divers âges, en leur indiquant les chapelles et autres lieux où se devaient chercher
ces bas-reliefs et ces tableaux qui, dépaysés par la v ictoire, la barbarie ou l’avariée,
sont devenus plus tard l’ornement de villes et de palais, pou r l ’embellissement desquels
on ne lès avait pas faits. Du reste, la supériorité dè Pons sur le sophiste de
Damas ou de Césarée1 est incontestable; et cependant, quoique Pons fû t presque
notre contemporain, il n’est guère connu en France que par ceux qui en ont traduit
ou fait traduire de longues descriptions de cathédrales et de maître-autels, afin
d’augmenter avec des »plagiats le nombre de leurs volumes sur l’Espagne. P o n s ,
(ï ) L’opinion commune est que Pausanias naquit en Capadoce ; mais Constantin Porplijrogenète
le suppose être Syrien. On s’accorde à le regarder4comme le Pausanias dont parle Galien, et qui,
selon Phildstrate, fut un- des dix élèves que le rhéteur Hérode Atticus distinguait le plus et auxquels
jl donnait des leçons particulières.
quoique ecclésiastique et Castillan, n’enttetiènt pas ses lecteurs à tout propos ou
hors de propos.d e superstitions et de miracles. Pausanias, au contraire, semble se
complaire à recherche!:.,-pour les enregistrer chemin faisant, les traditions les plus
ridicules et souvent les plus obscènes : deux ou trois mille ans de date ne les lu i font
pas révoquer en d o u te ; il les adopte comme si les choses s ’étaient,passées d’h ier ou
même sous ses propres y e u x , avec une crédulité qu’on n ç trouverait plus guère
aujourd’h u i que chez cette espèce de populace qui fait toujours le e pèlerinages de
Saint-Hubert, de Saint-Jaeques de Cqmpostelle ou de Saint-Quignolet. T e lle est
pourtant la force de la coutume, qui ne permet pas de porter sur les anciens de
jugemens sévères, sans qu’on se croie obligé d’édulcorer son d ire par quelque phrase
de louanges compensatrices, qu’on trouve dans un ouvrage imprimé de nos jou r s,
et fort estimé, le passage suivant sur l ’écrivain qui nou s O c cu p e : »Pausanias se
« montré bon observateur et historien judicieux ; ses idées', relativement au x souve-
,, nirs conservés dans chaque temple, sur les faits merveilleux qu’on en rapportait,
K sont, à la vérité, celles de son siècle ; on le vo it quelquefois discuter sérieusement
« sur .le ch oix à faire entre deux traditions qui semblent également absurdes, rejetpr
l ’une et adopter l’autre sans motif apparent de raison; on lu irep ro ch e de rapporter
« comme témoin oculaire des faits q ui excèdent toute croyant®’ lo rsq u e , par
* exemple, i l dit qu’i l a vu h Poroséléné un Dauphin venir à la v o ix d’u n enfant et ,
„ quand ce lu i-ci le désirait, lu i servir de monture pou r le transporter où i l voulait....
K. Cependant les détails p récieux qu’i l nous a transmis sur près de deux cents artistes
et sur leurs diverses écoles, sont d ’u n grand intérêt pou r l ’histoite de l’a rt dans
K l ’antiquité. Son style, mauvaise imitation de ce lu i de Th u cyd id e , est bien celui
« d’un sophiste ; habituellement négligé, souvent affecté, i l est si conc is et quelque-
» fois si ob scur, qu’i l faut, pou r bien l’entendre, en avoir fait une étude particu-
„ M U J’ajouterai, sans périphrase, à la critiqua de M. C. M. P ., que le bon
observateur et ju d ic ie u x historien, qui vit dans. ses Laconiques8 un Dauphin si bien
élevé, ne paraît point avoir vu le Taygè te , n i aucune autre montagne du Péloponnèse;
i l n’en cite pas un e, ou du moins il.n e s’arrête jamais devant leur imposante
masse, afin d’en admirer-la majesté. I l emploie les expressions de d roite et de gauche
pou r désigner la position des villes par rapport les unes aux autres, de manière à ce
qu’i l soit impossible au lecteur de s’orienter avec lu i ; évaluant ses distances tantôt
d’une façon, tantôt d’une autre, sans tenir compte des acCidens qui les peuvent faire
paraître plus longues ou plus courtes aux voyageurs, i l fut la cause, avec Strabon,
des nombreuses erreurs où sont tombés les géographes antérieurs à Danville.
(1) Biographie universelle,.tomeXXXUI, artid’cpflwjanKw. — (a) Tome H, page 212, édition
de Clavier.