Gioura et Pipéri sont deux rochers très-élevés, présentant en regard l’un de
l’autre des fractures presque perpendiculaires, ce qui a donné lieu à l’opinion
répandue chez les habitans des îles voisines, qu’ils sont les extrémités d’une même
grande île en partie abymée: un Calcaire compacte clair (Light-coloured Limestone
des Anglais) *es compose, et dans, la première on voit une très-belle et vaste
caverne, qui présente une immense salle ronde* soutenue par de belles colonnes
en Stalactites.
Iliodroma, où l’on nous avait indiqué le gisement du Charbon de terre, appartient
non-seulement, comme la plupart des îles yoisines, aux formations anciennes
et crayeuses, mais encore en grande partie à une formation ternaire d’eau douce.
Le gouverneur pu préfet de ces îles y était venu pour nous recevoir; il avait reçu
de M. le Président l’ordre de faire mettre à notre disposition tout ce qui pourrait
être nécessaire à iïos recherches. La mine où nous conduisit le Démogérontl 'est
située à cinq quarts de lieue du villagê bâti à l’extrémire orientale de l’île, qui est
fort longue, très-étroite et montagneuse';’ elle s’étend à peu près du sud-sud-ouest
au nord-nord.^est; sur une longueur de cinq à six lieues; les trois formations
principales que nous venons d’y indiquer, appartiennent : j..° aux Roéhes anciennes,
Micaschistes, Schistes argileux et Calcaires grenus ; 2.0 à la grande formation
crayeuse de la Morée, Calcaires bleus et grîsrdairs, subsaccharoïdes ek-compactes;
3.° enfin, au Terrain tertiaire d’eau douce, que nous scfôpçonnâmes être le gisement
du prétendu Charbon de terre.
Ce. Terrain lacustre à Lignites recouvre à peu près la moitié de la surface du
pays et se compose, à la partie inférieure; de Marnes bleues et verdâtres, contenant
une assez grande quantité de Melanopsis Buccinoides, de Planorbes , et surtout
d’Hélices, très-voisines de XHélix vermiculata; coquilles dont les paysans grecs
ont très-bien su faire la distinction d’arec les coquilles marines. Au-dessus de ces
marnes viennent dgs couches minces et nombreuses d’un Calcaire blanc, marneux
et tufaeç, sans fossiles, dans lesquelles se trouvent une cpuche irrégulière ^’environ
deux pieds, et plusieurs’petites zones non; continues de Lignites en général mélangés
d’Argile et de coquilles d’eau douce et terrestres. C’est à ce gisement de Lignites,
passés sur quelques points à l’état de jayet, que se réduisait la mine, dont la mise
au jour était due avilissement d’une partie de la montagne, lu-dessus des Lignites
et des Calcaires ttifacés qui les renferment, viennent des Calcaires grisâtres également
marneux, où l’on rencontre de nombreux débris de végétaux fossiles, et notamment
ceux de la curieus^ et nouveUeiespèce de Conifère, que M. Adolphe Brongniart a
fait connaître à fa fin de la partie botanique du présent ouvrage, sous le nom de
Taxodium europoeum. A ces Calcaires en succèdent d’autres à bancs plus épais de
deux et quelquefois trois pieds de puissance, très-compactes, presque lilhographiques,
à cassures droites et quelquefois conchoïdes, d’un gris jaunâtre, à zones rougeâtres,
et rubanés par petits filets rouges; ils présentent rarement des fossiles; mais
on y observe des tubulures de un a deux pouces de diamètre, rempliés de concrétions
de la même pâte que les couches et formées de petites zones concentriques :
le milieu seul est creux et tapissç de petits cristaux de Chaux carbonatée. Toute
cette formation peut avoir de cinquante à soixante mètres deapuissance.
Quoique les Lignites ne se présentassent pas sous des apparences qui pussent en
frire augurer très-favorablement, néanmoins, comme un combustible capable de
remplacer en partie la Houille., que le gouvernement grec est obligé de frire venir
de France ou d’Angleterre, pour l’usage de ses bateaux à vapeur, eût encore eu
beaucoup d’importance, nous nous décidâmes, pour répondre à la confiance de
M. le président, à faire faire quelques travaux de reconnaissance. En conséquence
nous essayâmes de transformer en mineurs des bergers, des bûcherons et même des
matelots de l’île : pendant que les uns excavaient le terrain, les autres abattaient les
arbres nécessaires pour le boisage et la construction d’un grand échafaudage qu’il
nous fallut d’abord établir pour soutenir le terrain à l’extérieur. Malgré les nombreuses
difficultés que nrius dûmes éprouver, manquant des outils nécessaires et
avec des hommes si peu habitués à ce genre de travaux, nous sommes cependant
pâryèTflu en moins de quinze jours à pratiquer dans l’intérieur de la montagne, en
suivant ..toujours le combustible, une galerie de plus de vingt-cinq mètres, qu’il
avait fallu, en raison du peu de consistance du terrain, étayer très-solidement
partout. Malheureusement les résultats de ces recherches pénibles ne répondirent
pas à nos espérances, et nous les abandonnâmes dès que nous fumes convaincu
qu’il n’y aurait aucun avantage à les continuer.
Quant au Taxodium europoeum dont ces fouilles nous valurent la découverte,
c’est un fait très-singulier qu’aucune espèce de ce genre ne se trouve actuellement
en Europe, tandis qu’il y existait à üépoque des dépôts tertiaires non-seulement
en Grèce, mais encore dans deux localités assez éloignées, de l’Allemagne ; près de
Comothaü en Bohème et à OÈningen pris du lac de Constance, où cet arbreperdu
a également été rencontré. Il est encore fort remarquable qu’un-genre qui n’existe
plus maintenant que dans l’Amérique du nord ou vers l’extrémité orientale de l’Asie,
et qui paraît être aujourd’hui totalement étranger à nos climats,' rinsi qu’aux régions
voisines de l’Asie et de l’Afrique, était assez répandu à l’époque des formations
tertiaires sur les terres correspondantes à l’Europe, pour qu’on l’ait déjà retrouvé
sur des points éloignés de plus de trois à quatre cents lieues. Il paraîtrait cependant
que, malgré l’identité de l’espèce reconnue par M. Adolphe Brongniart*dans les
trois localités d’Allemagne et de Grèce, les formations qui la renferment ne sont
pas tout-à-fàit de la même époque, d?où il faudrait conclure que le Taxodium