fleuve : nous laissâmes derrière nous beaucoup
de grands villages, un second entre autres du
nom de Taïbah, situé à une lieue du fleuve.
Par-tout où nous passions, les kaïmakans * accouraient
à nous avec empressèment, pour apprendre
des nouvelles de l’expédition d’Isrnâyl.
Nous couchâmes à el-Massalamy.
Le 6, nous nous reposâmes une heure dans
le bois d’Arbagui, lieu mémorable dans les
fastes des Foungis. C’est là que, venus du fleuve
Blanc, iis combattirent jadis les peuples qui
habitaient le Sennâr, demeurèrent vainqueurs
et se rendirent maîtres du pays. Arbàgui était une
ville assez importante, à en juger par les ruines
d’édifices construits en terre qui sont encore
éparses sur son emplacement : des bois peuplés
de singes et d’autres animaux entourent aujourd’hui
.ces ruines et les recouvrent en partie.
Nous laissâmes ici le bon cheykh qui nous accompagnait;
et deux heures après, nous nous
arrêtâmes à Ouâd-Eddefroué, pour y passer la
nuit. Nous passâmes, le 7, à Abo’cherâ, grand
village dont je pris une vue : elle suffira pour
donner une idée de tous ceux du Sennâr. (Vol. I,
Officiers subalternes, charge's de veiller à la rentre'e des
contributions.
pi. v in .) Nous Vînmes coucher à,Ouâd-Tarâby.
Chaque jour nous rapprochait de quelques lieues
de ï’Égypte et de fa France : cette pensée ranima
un peu les forces de M. Letorzec ; l’espérance
de revoir sa patrie renaissait enfin dans son ame.
Le 8 mars, à deux heures , nous arrivâmes
au village d’An-noubah, où sont les barques pour
passer le fleuve; nous devions le traverser ici,
pour suivre la rive droite. A notre vue, les bateliers
prirent la fuite ; notre habillement d’Os-
manlis les avait épouvantés. Nous fîmes tous
nos efforts pour les engager à revenir sans
crainte : ils avaient laissé leur barque à notre
discrétion , mais ils avaient emporté les rames ;
mon embarras était extrême. Je' leur montrai
de loin l’argent que je voulais leur donner ;
ils paraissaient croire que c’était une amorce
trompeuse que je leur présentais. Enfin, je leur
jetai une piastre d’Espagnë, et me retirai pour
qu’ils vinssent là ramasser. Ils approchèrent en
tremblant ; l’un d’eux tendait la main comme
pour me rendre cette pièce de monnaie, qui
leur paraissait être un salaire bien splendide de
la part d un homme de ma1 robe. Ces malheureux
nous dirent que chaque jour les soldats les accablaient
de coups pour les payer de leur peine ;